La loi dite SAPIN 2, promulguée le 9 décembre 2016 (Loi n°2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). avait pour objet de « mettre la France au niveau les meilleurs standards internationaux dans le domaine de la transparence et de l’action contre la corruption »,
Quid de son application aux fédérations sportives ?
- I) Un principe d’application aux Fédérations sportives…
La loi SAPIN 2 prévoit que l’Autorité Française Anticorruption (ci-après « AFA ») contrôle de sa propre initiative , les « associations et fondations reconnues d’utilité publique » ce qui inclut donc les Fédérations sportives conformément à l’article L. 131-8 du Code du sport qui précise que du fait de leur agréement « les fédérations sportives sont reconnues comme établissements d’utilité publique ».
C’est donc dans ce cadre que plusieurs fédérations sportives (tennis, football, basketball, golf, judo-jujitsu, équitation, natation et handball) ont fait l’objet de contrôles de l’AFA ; et que le ministère des sports en collaboration avec l’AFA et le CNOSF a publié en 2022 un Guide de prévention des atteintes à la probité à destination des Fédérations Sportives, preuve de l’actualité de ces problématiques.
Cependant il est apparu que l’AFA, lors des contrôles opérés, avait une conception extensive des obligations susceptibles d’être mises à la charge des fédérations sportives.
En effet la loi SAPIN 2 ne prévoit en principe des obligations renforcées (rédaction code de conduite, dispositif d’alerte interne, cartographie des risques, procédure d’évaluation des tiers, formations interne…) de manière obligatoire que pour les personnes morales « employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et donc l’effectif comprendre au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaire ou le chiffre d’affaire consolidé est supérieur à 100 millions d’euros » Article 17-I de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016
Dès lors s’agissant des associations et fondations reconnues d’utilité publique, et donc des fédérations sportives, seule demeurait en principe la nécessité de pouvoir justifier de la mise en place de « mesures et procédures adéquates » pour « prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. » (cf. art. 3, 3° Loi Sapin II).
Le choix et le formalisme des procédures anticorruption n’étant pas prévu par la Loi, il se trouvait de fait laissé à la libre appréciation des Fédérations.
Pour autant l’AFA , pour apprécier ce qui constitue pour elle : les « mesures et procédures adéquates » se réfère fréquemment à la charte droits devoirs unique contrôles qu’elle a elle-même publiée et qui précise p. 8:
« Pour autant, la loi précitée incite ces acteurs [dont les Associations] à se doter de mesures et de procédures appropriées destinées à détecter et à prévenir les atteintes à la probité […]
Ainsi, par analogie avec ce que la loi prévoit pour les acteurs économiques, (souligné par nous) il est attendu des dirigeants des acteurs publics et des associations et fondations reconnues d’utilité publique qu’ils mettent en place un dispositif anticorruption permettant de connaître les risques d’atteintes à la probité propres à leur organisation et de prévenir, détecter et sanctionner lesdites atteintes, comprenant :
– une cartographie des risques d’atteintes à la probité ;
– un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire ;
– un dispositif de formation au risque d’atteintes à la probité ;
– une procédure d’évaluation des tiers (fournisseurs, partenaires, etc.) ;
– un dispositif d’alerte interne ;
– un régime disciplinaire permettant de sanctionner les agents ou les salariés de l’entité en cas de violation de ces règles ;
– des mesures de contrôle et d’évaluation interne adaptées, y compris dans le champ des contrôles comptables. »
Ce qui correspond exactement aux mesures figurant dans la loi pour les entreprises de plus de 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros.
Ainsi, et alors même que le législateur avait clairement distingué les obligations afférentes aux grandes sociétés (article 17) de celles pesant sur les autres personnes morales assujetties à la Loi Sapin II, l’AFA préconise à tous les assujettis dont les fédérations sportives, de se doter des mêmes dispositifs anti-corruption.
On peut donc comprendre l’inquiétude de nombreuses fédérations sportives qui n’ont ni l’effectif ni les moyens de société du Cac 40 face à ce niveau d’exigence, et il convient d’examiner les marges de manœuvre susceptible d’exister en la matière.
- II) …susceptible d’être modulé pour ce qui touche au niveau d’exigence quant aux mesures concrètes à mettre en place
Même si bien évidemment toutes les fédérations sportives en leur qualité d’association reconnue d’utilité publique ou délégataire de service public ont vocation à faire preuve de vigilance pour ce qui concerne la prévention des atteintes à la probité, les dirigeants en responsabilité, dont la mission première reste le développement et l’encadrement de la pratique sportive, ont légitimement vocation à rechercher le juste équilibre entre l’argent susceptible d’être dépensé pour les dispositifs à mettre en place – lequel ne sera pas affecté à d’autres actions – et le respect de leur obligation de vigilance et de prévention.
Dans ce cadre il est généralement impactant en cas de contrôle de pouvoir prouver à l’AFA que la problématique a été anticipée ce qui prouve que la Fédération Sportive concernée s’est saisie du sujet sans attendre d’y être contrainte.
Quand les moyens de la Fédération de permettent la réalisation d’un audit par un cabinet extérieur est évidemment l’idéal.
Le plus souvent cet audit, qui a vocation à rassembler l’ensemble de la documentation existante et à analyser les process déjà en place, débouchera sur une cartographie des risques avec des préconisations quant à la meilleure manière de prévenir et de remédier aux risques identifiés, en fonction de la nature de ceux-ci.
Sans que cette liste ne se veuille exhaustive les points suivants seront généralement en discussion :
- Mise en place d’un process de traitement des alertes intégrité
- Existence et modalité de fonctionnement du comité d’éthique
- Modalités et mise en œuvre des processus d’appel d’offre
- Politique en matière de déclaration d’intérêts
- Politique en matière de cadeaux et d’invitation
- Procédure d’évaluation des tiers et contrôle financier renforcés pour les contrats les plus importants
- Formation des dirigeants en matière de lutte contre la corruption y compris au sein des organes déconcentrés
- Sensibilisation du personnel à la prévention des atteintes à la probité
Bien évidemment le niveau des process de contrôle a vocation à être adapté à l’importance de la Fédération Sportive concernée, dont chaque flux et enjeux financier impactera la caractérisation d’un risque réel, ou non, en matière d’atteinte à la probité, et de potentielle corruption.
L’équipe Droit du Sport