LE REGIME DE L’ACTIVITE PARTIELLE
L’épidémie du coronavirus empêche de nombreuses entreprises de fonctionner normalement, ayant pour conséquences d'importantes pertes de revenus ou l'absence de travail.
Cette situation pousse les entreprises à mettre en place un régime d’activité partielle (aussi appelée chômage partiel).
Ce régime est fondé sur les articles L5122-1 et R5122-1 et suivants du Code du Travail.
Conditions de mise en œuvre :
Une entreprise peut mettre en place un régime d’activité partielle après autorisation de l’autorité administrative compétente (DIRECCTE), et après avis du CSE pour les entreprises de plus de 50 salariés. Depuis le 25 mars 2020 et le décret n°2020-325, les demandes d'activités partielle sont soumises à l'avis du CSE quelque soit le nombre de salariés, cet avis pouvant être sollicité a posteriori dans un délai de deux mois suivant la demande d'indemnisation l'Agence de services et de paiement.
L’autorité administrative a normalement 15 jours pour donner son autorisation. Ce délai est actuellement et exceptionnellement réduit à 48 heures en raison des circonstances particulières.
L’entreprise peut solliciter une activité partielle si les salariés subissent une perte de rémunération imputable :
-soit à la fermeture temporaire de son établissement ou partie d'établissement ;
-soit à la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement ou partie d'établissement en deçà de la durée légale de travail
La réduction ou la suspension temporairement de l’activité doit être liée à l'un des motifs suivants :
1° La conjoncture économique ;
2° Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
4° La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;
5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.
En l'espèce, l’épidémie de coronavirus sera très probablement assimilée à un « sinistre à caractère exceptionnel ».
La demande d'activité partielle peut couvrir tout ou seulement partie du temps de travail.
En matière de formalisme, il faut rappeler que la demande d'activité partielle doit préciser :
1° Les motifs justifiant le recours à l'activité partielle ;
2° La période prévisible de sous-activité ;
3° Le nombre de salariés concernés.
L' autorisation d'activité partielle peut être accordée pour une durée maximum de 12 mois. Elle peut cependant être renouvelée.
Dans cette hypothèse et également si l'entreprise a déjà placé ses salariés en activité partielle au cours des trente-six mois précédant la date de dépôt de la demande d'autorisation, celle-ci mentionne les engagements souscrits par l'employeur.
Ces engagements peuvent notamment porter sur :
1° Le maintien dans l'emploi des salariés pendant une durée pouvant atteindre le double de la période d'autorisation ;
2° Des actions spécifiques de formation pour les salariés placés en activité partielle ;
3° Des actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
4° Des actions visant à rétablir la situation économique de l'entreprise.
Conséquence de l’activité partielle
Dès lors que l’entreprise a reçu l’autorisation de mettre en place une activité partielle, le contrat de travail est suspendu pour la période chômée.
Le salarié n’a donc pas l’obligation de se rendre au travail durant les heures touchées par l’activité partielle.
Le salarié perçoit cependant par son employeur une indemnité équivalente à 70% de son salaire brut (soit environ 84% de son salaire net).
L’activité partielle entraine donc inévitablement une perte de rémunération pour le salarié.
Étant cependant précisé que si le salarié est en formation, l’indemnisation est dans ce cas portée à 100%.
L’État verse ensuite une allocation à l’employeur équivalente à 70% du salaire brut du salarié (soit le montant de l'indemnité qui lui est versée), dans la limite de 4,5 SMIC.
Évidemment, cette allocation est versée au prorata des heures non travaillées. Par exemple, si l’activité partielle consiste en une réduction du temps de travail de 10 heures par semaine, le salarié sera rémunéré 25 heures normalement et 10 heures à hauteur de 70% de sa rémunération horaire brute.
NOTE SUR LA REFORME DE L’ASSURANCE CHOMAGE ISSUE DU DECRET 2019-797 DU 26 JUILLET 2019
Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 auquel est annexé le nouveau règlement de l’assurance chômage a pris effet le 1er novembre 2019.
Quelques points essentiels à retenir.
- Modification de la condition de durée de travail pour l’ouverture du droit au chômage
Auparavant, afin de pouvoir prétendre à l’assurance chômage, le salarié devait avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 28 derniers mois (ou 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).
Désormais le salarié devra justifier de 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées, soit environ 6 mois, au cours des 24 derniers mois (ou 6 mois sur 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).
Autre conséquence, la durée minimale d’indemnisation est donc augmentée à 182 jours au lieu de 122 jours auparavant.
- Nouvelle condition d’affiliation pour le rechargement des droits
Auparavant, toute période travaillée à hauteur de 150 heures (environ un mois de travail à temps plein) au cours de la période de chômage permettait au salarié de recharger ses droits.
Désormais, le salarié devra justifier d’une période travaillée de 6 mois pour le rechargement de ses droits.
- Durée d’indemnisation chômage
La durée d'indemnisation est égale au nombre de jours calendaires travaillés durant les 24 derniers mois.
Sont déduits de ce nombre de jours calendaires, les jours, situés en dehors d'une période pendant laquelle l'intéressé bénéficie d'un contrat de travail, correspondant :
- aux périodes de maternité indemnisées par la sécurité sociale et aux périodes d'indemnisation accordées à la mère ou au père adoptif ;
- aux périodes de maternité non mentionnées à l'alinéa précédent, indemnisées au titre de la prévoyance ;
- aux périodes d'arrêt maladie d'une durée supérieure à quinze jours consécutifs;
- aux périodes d'accident du travail ainsi que les périodes de maladie d'origine professionnelle ;
- Dégressivité de l’indemnisation pour les salaires élevés
L'allocation journalière (pour les allocataires âgés de moins de 57 ans à la date de leur fin de contrat de travail) est affectée d'un coefficient de dégressivité égal à 0,7 à partir du 183e jour d'indemnisation.
La dégressivité ne pourra cependant avoir pour effet de réduire l’allocation journalière en deçà de 84,33 euros.
Cependant, aucune dégressivité n'est appliquée aux demandeurs d'emploi dont l'allocation journalière est inférieure ou égale à 84,33 € (soit un salaire journalier de référence inférieur ou égal à 147,95 €, soit environ 4500 € bruts par mois).
La réduction de 30% ne sera pleinement appliquée qu'aux demandeurs d'emploi dont l'allocation journalière est supérieure à 120,47 € (soit un salaire journalier de référence inférieur ou égal à 211,53 €, soit environ 6441 € bruts par mois).
Ce point peut particulièrement toucher les sportifs que le cabinet régulièrement au sein de son département droit du sport.
Par dérogation, l'accomplissement d'une action de formation, soit inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, soit non inscrite dans ce projet mais financée en tout ou partie, par la mobilisation du compte personnel de formation, suspend pour la durée correspondante le délai de 182 jours visé ci-dessus.
Un arrêté du ministre chargé de l'emploi doit encore définir les finalités et conditions de durée auxquelles doivent répondre ces actions de formation.
- Possibilité de versement de l’ARE pendant une formation non inscrite au projet personnalisé d'accès à l'emploi financée en tout ou partie par le CPF (compte personnel de formation)
Le nouveau règlement Pôle Emploi prévoit désormais la possibilité de recevoir le chômage quand bien même l’allocataire suit une formation qui n’est pas inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, mais à condition que celle-ci soit financée pour tout ou partie par le CPF.
Cette nouvelle possibilité peut être particulièrement intéressante pour les sportifs en reconversion.
- Ouverture de l’assurance chômage à certains salariés démissionnaires ayant un projet professionnel
Le salarié démissionnaire justifiant de 5 années de travail continues avant la fin de son contrat de travail pourra percevoir l’allocation chômage s’il démissionne pour poursuivre un projet professionnel dont le caractère réel et sérieux est attesté par la commission paritaire interprofessionnelle régionale.
Le projet aura donc dû être travaillé et validé préalablement à la démission.
Derby Avocats aux Assises de Droit du Sport
Cette semaine, Me Samuel CHEVRET, Me Romuald PALAO et Me Anthony MOTTAIS ont participé aux Assises de droit du sport à Paris organisées par les éditions droitdusport.com
Cette édition avait pour thème « L’Avocat dans le Sport ».
Me Romuald PALAO faisait notamment partie du panel intervenant sur "L'avocat challenger de la régulation du sport".
La requalification à temps plein du contrat de travail d’un sportif employé en temps partiel modulé
CA Grenoble 25 juin 2019 n°17/04508
☞ Ce qu’il faut retenir:
Le contrat de travail à temps partiel d’un joueur de rugby doit être requalifié à temps plein dès lors que l’employeur ne démontre pas que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail, quand bien même un accord sectoriel prévoit la possibilité de moduler le temps de travail des sportifs concernés.
☞ Pour approfondir
Un joueur de rugby a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec un club évoluant en Fédérale 1 (troisième division nationale).
Le contrat était conclu à temps partiel à hauteur de 117 heures de travail par mois.
Son contrat a été rompu avant son terme en raison de la liquidation judiciaire du club.
Le joueur saisissait le Conseil de Prud’hommes estimant que son contrat de travail devait être requalifié à temps plein. Il sollicitait en conséquence un rappel de salaire sur la base d’un temps plein, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur la base de son salaire réévalué.
Il se fondait notamment sur le fait que son contrat de travail ne prévoyait pas la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine, ce qui induisait la présomption d’un temps plein reconnue classiquement par la jurisprudence en cas de manquement au formalisme du contrat de travail à temps partiel.
Le mandataire judiciaire et l’AGS-CGEA faisaient pour leur part référence au statut du joueur de rugby de Fédérale 1, accord sectoriel applicable, qui prévoyait la possibilité de moduler le temps de travail des joueurs, y compris pour ceux ayant conclu un contrat de travail à temps partiel, compte tenu de la spécificité du temps de travail des sportifs professionnels lequel doit s’adapter à la saisonnalité sportive.
Le Conseil de Prud’hommes a suivi cette argumentation et débouté intégralement le salarié.
Pour sa part la Cour d’Appel de Grenoble infirme cette décision et fait droit à l’intégralité des prétentions du joueur.
Après avoir rappelé les règles en matière de formalisme du contrat de travail à temps partiel, prévues par la Loi et reprises par la Convention Collective Nationale du Sport (accord collectif de branche étendu), la Cour retient que la modulation du temps de travail prévue par l’accord sectoriel ne décharge pas l’employeur d’apporter la preuve qu’il a informé le salarié de la répartition de son temps de travail.
Et ce d’autant plus que le Statut du Joueur de Fédérale 1 prévoit que si le club employeur souhaite recourir à la modulation du temps de travail, celui-ci doit transmettre au salarié en début de saison sportive un programme indicatif annuel.
Cette obligation est rarement respectée par les clubs et cet arrêt est l’occasion de rappeler que les risques encourus faute de respect de ce formalisme.
En matière sportive les requalifications de contrat à temps partiel en temps plein sont fréquentes, et la Cour de Cassation au surplus jugé, concernant un autre joueur de rugby, que la présomption de temps plein ne pouvait être renversée par la seule constatation que le joueur exerçait une autre activité professionnelle parallèle (Soc. 9 juillet 2014 n°13-16427).
Toujours en matière sportive, il a pu être jugé que les attestations d’autres joueurs sont insuffisantes à rapporter la preuve de la connaissance personnelle par un salarié de son propre emploi du temps (CA Toulouse, 27-01-2017, n° 14/02316).
De manière générale, l’activité sportive occasionne des changements d’horaires de travail fréquents en fonction des périodes de la saison sportive et du calendrier sportif (stages, période de préparation de pré-saison, période de récupération, match à domicile, match à l’extérieur etc…), mais aussi des résultats sportifs de l’équipe qui peuvent avoir pour conséquence des modifications des plannings d’entrainement.
La vigilance doit donc être de mise pour les employeurs du secteur sportif quant à la transmission de plannings écrits respectant les délais de prévenance légaux ou conventionnels, afin de permettre aux sportifs d’organiser librement leur vie personnelle pour les périodes ne correspondant pas à du temps de travail contractuel.
A noter enfin que certaines dispositions de la Convention Collective Nationale du Sport prévoyant un régime d’équivalence pour le décompte des heures de travail de nuit en cas de surveillances nocturnes ou d’accompagnements d’équipes lors de déplacements (article 5.3.5.4) doivent être maniées avec grande précaution (En ce sens Soc. 10 avril 2019 n°17-28590 refusant d’appliquer ce régime d’équivalence faute de publication en matière sportive du décret prévu par l’article L. 3121- 9 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 8 août 2016)
A rapprocher : articles L3123-14 du Code du travail ; statut du joueur de Fédérale 1
L'Equipe Droit du Sport
Derby Avocats
ASSOCIATION SPORTIVE : Peut-on s’opposer au renouvellement de l’adhésion d’un membre ?
Civ.I 15 mai 2019 18-18167
Ce qu’il faut retenir
Le Président d’une association sportive ne peut, à défaut de dispositions statutaires en ce sens, s’opposer au renouvellement de l’adhésion de l’un de ses membres.
Pour aller plus loin,
Une association sportive gérant une activité de tir sportif a informé l’un de ses membres par le biais de son président, qu’après réunion de son Comité Directeur, il avait été décidé de ne pas renouveler sa licence pour les années suivantes, en raison d’un non-respect du règlement intérieur de l’association et de pratiques dangereuses.
Le membre ayant vu sa demande de renouvellement refusée, assigne l’association pour obtenir sa réintégration ainsi qu’une indemnisation.
Les juges du fond rejettent ses demandes en retenant :
- qu’il ne s’agissait pas d’une décision d’exclusion disciplinaire, et que sauf abus de droit, l’association sportive loi 1901 était libre du choix de ses membres.
- que les pièces versées aux débats démontraient de multiples imprudences et non-respect de la réglementation de la part de l’adhérent en cause, de sorte le refus de renouvellement pouvait être considéré comme légitime et ne caractérisant aucun abus de droit.
La Cour de cassation dans l’arrêt commenté casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 1 & 6 de la loi du 1er juillet 1901.
Elle fait droit à la première branche du moyen du pourvoi qui soutenait que les statuts de l’association ne prévoyaient comme cause de perte de la qualité de membre que : « la démission, la radiation prononcée pour non-paiement, et l’exclusion pour motif grave par le Comité de Direction, le membre intéressé ayant été préalablement appelé à fournir ses explications ».
Ainsi, indépendamment du retrait possible de la licence délivrée par la Fédération Française de Tir à laquelle l’association était affiliée, aucune stipulation des statuts ne permettait de s’opposer au renouvellement de la licence hors les cas précisément définis, et sans provoquer des explications du membre en cause.
Etait dès lors établie une violation des dispositions de l’article 1134 du Code Civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, outre un refus d’application des articles 1 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, les premiers juges ne pouvant valider le refus d’adhésion : « sans constater que les statuts de l’association conféreraient au président le pouvoir de s’opposer au renouvellement de l’adhésion d’un de ses membres. »
***
Les clubs sportifs, à l’exception des sociétés commerciales constituées pour la gestion des activités professionnelles, sont habituellement constituées sous forme d’association Loi 1901, et se trouvent de ce fait soumis au droit associatif.
Il arrive fréquemment que ceux-ci ne souhaitant pas se lancer dans une procédure disciplinaire d’exclusion, saisissent l’occasion du renouvellement de la licence sportive qui intervient au début de chaque saison sportive pour, en invoquant le principe de liberté d’association, refuser le renouvellement de l’adhésion d’un de leur membre.
Lorsqu’il apparaît véritablement un détournement de la procédure disciplinaire, la Cour de cassation, sous le régime de l’abus de droit, sanctionne ce type de pratique.
Mais pour autant lorsque l’adhésion est, par exemple, limitée à une année et que le renouvellement ne peut donc être tacite mais est subordonné à un accord tant de l'adhérent que de l'association en vertu de la liberté contractuelle, cette dernière peut le refuser au terme du contrat initial (Civ I, 6 mai 2010, n°09-66969).
Ainsi, et à défaut de sanction disciplinaire déguisée, les associations disposent du droit de choisir leurs membres en application du principe de liberté d’association.
Cependant l’arrêt commenté vient rappeler que l’exercice de ce droit doit impérativement s’effectuer dans le respect des dispositions statutaires.
Or, en l’espèce, les statuts encadraient précisément les cas dans lesquels la qualité de membre pouvait se perdre (démission, radiation pour non-paiement de cotisation, exclusion pour motif grave), en rappelant que le membre intéressé devait être préalablement appelé à fournir ses explications.
Dès lors dans ce cas il pouvait en être déduit qu’il n’y avait pas d’obstacle à un maintien quasi-automatique au sein de l’association sous réserve du paiement de la cotisation, et hors les cas limitativement énumérés de perte de la qualité de membre.
En pratique puisque les manquements aux règlements de la part du membre de l’association semblaient avérés, celle-ci aurait sans doute eu avantage à engager une procédure d’exclusion pour motif grave, ou contacter la Fédération Française de Tir pour qu’une procédure disciplinaire puisse être mise en place aboutissant à la suspension de la licence sportive.
Sur ce point l’adhésion à l’association doit être distinguée d’avec la souscription de la licence sportive auprès de la Fédération concernée.
La fédération sportive peut en effet suspendre la licence sportive suite à une procédure disciplinaire, sans que cela n’entraine de facto la perte de la qualité de membre du club sportif.
En revanche la suspension disciplinaire décidée par la Fédération pourra venir étayer une éventuelle procédure d’exclusion de l’association, ou de non renouvellement fondée sur motif grave.
Reste que le temps des procédures disciplinaires fédérales et des contentieux subséquents, n’est pas toujours celui de la vie associative.
Dès lors, et même si cet aspect n’est sans doute pas la priorité des dirigeants d’association sportive, il convient de porter une attention toute particulière à la rédaction des statuts de l’association, et aux conditions dans lesquelles la qualité de membre se perd.
Notamment il peut apparaître sage de prévoir comme hypothèse de perte de qualité de membre, le non-renouvellement de l’adhésion en précisant l’instance susceptible de prendre une telle décision ; ou plus simplement que l’adhésion n’est qu’annuelle, ce qui laisse la possibilité aux organes statutaires de refuser une nouvelle adhésion en application du principe de liberté d’association, et sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’une sanction disciplinaire déguisée.
A rapprocher : CA Caen 15 octobre 2011 n°08/01971
L’Équipe Droit du Sport
DERBY AVOCATS
Sportifs professionnels et inaptitude
CAA Bordeaux 8 mars 2019 n°16BX01563
☞ Ce qu’il faut retenir:
Doit être approuvée la décision du Ministre du travail ayant confirmé l’inaptitude d’un joueur professionnel de football victime d’une embolie pulmonaire, au regard de contre-indications liées à de longs déplacements en avion, et peu important le fait que ce joueur ait postérieurement été recruté d’autres clubs professionnels.
☞ Pour approfondir
Un joueur de football professionnel est victime d’une embolie pulmonaire et se voit déclarer inapte à son poste. Le club lui transmet une proposition de reclassement qu’il refuse. Le joueur se trouve par la suite licencié pour inaptitude et du fait de l’impossibilité de reclassement.
Un recours est formé à l’encontre de l’avis d’inaptitude lequel est confirmé par l’Inspecteur du travail local puis par le Ministre du travail sur recours hiérarchique.
Le Tribunal administratif de Toulouse dans une première décision du 03 mars 2016 rejette la demande d’annulation de la décision du Ministre du travail, et c’est cette décision qui confirmée par l’arrêt commenté.
Outre divers arguments procéduraux, le joueur soutenait qu’il se trouvait parfaitement rétabli au jour des avis d’inaptitude, son embolie pulmonaire l’ayant affecté plus de deux ans auparavant.
Il soutenait également que son aptitude à exercer sa profession de joueur de football était démontrée par le fait que d’autres clubs professionnels l’avaient recruté postérieurement à la rupture de son contrat de travail initial.
Ces arguments n’emportent pas la conviction des Juges qui considèrent, d’une part, que si les certificats médicaux produits par le joueur faisaient état de l’absence de séquelles majeures ils n’excluaient pas formellement tout risque de récidive; et d’autre part, que les éléments liés à un recrutement postérieur par d’autres clubs sont sans incidence sur la légalité des décisions prononçant l’inaptitude, laquelle s’apprécie au jour où elles ont été prises.
Cette motivation apparaît sévère pour un sportif qui en pratique avait poursuivi sa carrière sans difficulté, mais elle confirme la difficulté à remettre en cause, dans le cadre d’une discussion sur le fond, les avis médicaux d’aptitude ou d’inaptitude (déjà en ce sens CE 18.05.2017 n° 402186 SASP Football Club de Nantes c/ GRAVGAARD confirmant une décision de la Cour administrative d’appel de Nantes du 07.06.2016 ayant validé un avis d’aptitude médicale, non sans avoir au préalable ordonné une expertise judiciaire).
Or qu’il s’agisse de la défense des intérêts des clubs ou des sportifs, la période au cours de laquelle se cristallise, ou non, l’inaptitude revêt de forts enjeux stratégiques.
En effet, les conséquences de tels avis sont extrêmement importants puisque les sportifs professionnels sont salariés, de par détermination de la loi, sous contrat à durée déterminée, de sorte si une décision d’inaptitude est remise en cause, la décision de rupture du contrat fondée sur ce motif devient nécessairement sans fondement, et entraîne pour le sportif le droit à percevoir l’intégralité des salaires prévus au contrat de travail jusqu’à l’issue de celui-ci.
A l’inverse, si l’inaptitude se trouve validée, le club ne devra régler qu’une indemnité équivalente à l’indemnité légale de licenciement (Article L.1226-4-3 du Code du travail), ce qui correspond à un différentiel important pour des rémunérations se comptant en dizaine de milliers d’euros et des contrat pouvant courir pendant 5 saisons sportives.
La vigilance s’impose donc, et en cas de litige il faudra faire usage de nouvelle procédure contestation d’avis émis par le médecin du travail, ouverte à l’employeur et salarié (saisine du Conseil de Prud’hommes en la forme des référés dans un délai de 15 jours, articles L 4624-7 et R 4624-45 du Code du Travail).
Le Conseil de Prud’hommes dispose de la faculté de recourir aux compétences du médecin inspecteur du travail, ce qui devrait permettre notamment d’échapper aux discussions touchant à un éventuel conflit d’intérêts pouvant résulter du fait que les premières orientations vers une inaptitude sont souvent données par le médecin du club.
Or celui-ci est souvent salarié du club, et peut être considéré en cas de litige comme susceptible d’incliner vers une inaptitude, moins couteuse pour le club et lui évitant de maintenir dans ses effectifs un sportif qui serait considéré comme ne pouvant plus donner la pleine mesure de son talent.
Une fois rendue, la décision du Conseil de Prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées.
En cas de confirmation de l’inaptitude, pour remettre en cause une rupture de contrat les seules des discussions susceptibles d’être menées toucheront au respect par l’employeur de son obligation de reclassement, et le cas échéant à l’absence de saisine avant la rupture du contrat, d’organismes paritaires susceptibles de constituer une garantie de fond pour le salarié.
Ainsi dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté le joueur est malgré tout parvenu à « sauver » la contestation de la rupture de son contrat de travail, malgré l’inaptitude validée, en faisant juger, dans le cadre d’une instance prud’homale, que le club n’avait pas respecté les garanties de fond prévues par la Charte du football professionnel, et notamment l’obligation de saisir préalablement à toute rupture du contrat la commission juridique de la Ligue de football professionnel (CA. Toulouse 20.04.2017 n° 14-03507)
A rapprocher : articles L4624-1 et suivants du Code du travail
L’équipe Droit du Sport
Derby Avocats
Avocats mandataires sportifs : des précisions sur les contrats passés avec les sportifs professionnels
Civ. I 20 février 2019 n°17-27129
☞ Ce qu’il faut retenir:
Le contrat de mandataire sportif confié à un avocat n’a pas obligatoirement à être établi sous la forme d’un acte écrit unique.
En revanche encourent la nullité deux conventions formant un mandat sportif confié à une société d’avocats dès lors qu’il ne ressort pas de leurs stipulations un montant déterminable et précis des honoraires de l’avocat.
☞ Pour approfondir
Une joueuse professionnelle de handball a confié à une société d’avocats un mandat exclusif pour une durée de deux ans, avec une mission d’assistance et de conseils juridiques dans la négociation et la rédaction de ses contrats de travail, ou de tout autre contrat qui pourrait lui être nécessaire dans le cadre de son activité de sportive professionnelle.
Dans un autre document signé le même jour et intitulé « convention d’intervention exclusive », il était prévu que seraient réglés en cas de manquement aux obligations, « d’éventuels honoraires d’un montant de 8% sur la base du salaire brut, des primes et des avantages en nature annuels ».
La joueuse a signé un contrat de travail avec un club sportif, puis résilié le mandat exclusif moyennant un préavis de dix jours, et enfin ultérieurement signé une prolongation de son contrat de travail avec le même club.
La société d’avocats l’a assignée en paiement d’une indemnité d’éviction.
Après que le mandata ait été jugé nul en première instance, l’avocat mandataire sportif a obtenu gain de cause en appel, les juges du fond estimant qu’aucun des moyens d’annulation de la convention n’avait vocation à être retenu.
Il n’en est pas de même devant la Cour de cassation.
En effet, si celle-ci considère que le fait que le contrat d’avocat mandataire sportif n’ait pas été conclu sous la forme d’un acte écrit unique ne saurait être une cause de nullité, elle fait droit aux moyens d’annulation touchant à l’absence de précisions suffisantes de la rémunération du conseil.
* * *
Concernant le formalisme que doit revêtir le contrat de mandataire sportif, et à défaut de précision textuelle, la Cour de cassation estime que l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n’impose pas que le contrat de mandataire sportif confié à un avocat soit établi sous la forme d’un acte écrit unique.
Ce faisant, la Cour maintient l’interprétation relativement souple des conditions formelles requises pour le mandat régissant les relations entre les sportifs professionnels et leur représentant.
Par arrêt du 11 juillet 2018 (Civ I n° 17-10458), elle avait déjà jugé « que l’article L.222-14 du Code du Sport n’impose pas que le contrat liant le sportif ou l’entraîneur à l’agent sportif soit établi sous la forme d’un acte écrit unique, et que la Cour d’appel ajoutant à la loi une condition qu’elle ne comportait pas, avait violé le texte susvisé ».
La Cour indiquant dans ce même arrêt que l’écrit exigé pour la validité d’un acte juridique pouvait être établi et conservé sous forme électronique, de sorte que des échanges de mails permettaient de considérer que l’existence d’un écrit était rapportée.
* * *
Concernant la rémunération de l’avocat mandataire sportif, l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-158 du 1 er février 2012, dispose :
«(…) Dans le mandat donné à un avocat pour la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport, il est précisé le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant de ce contrat. Lorsque, pour la conclusion d'un tel contrat, plusieurs avocats interviennent ou un avocat intervient avec le concours d'un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat. L'avocat agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client. »
Pour sa part l’article L. 222-17 du Code du sport précise pour ce qui touche aux agents sportifs :
« Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d'une des parties aux contrats mentionnés à l'article L. 222-7.
Le contrat écrit en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 précise :
1° Le montant de la rémunération de l'agent sportif, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu par les parties qu'il a mises en rapport ;
2° La partie à l'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 qui rémunère l'agent sportif.
Le montant de la rémunération de l'agent sportif peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l'article L. 222-7, être pour tout ou partie acquittée par le cocontractant du sportif ou de l'entraîneur. L'agent sportif donne quittance du paiement au cocontractant du sportif ou de l'entraîneur.
Toute convention contraire au présent article est réputée nulle et non écrite ».
La lecture comparée de ces deux dispositions montre que lors de l’ouverture de l'activité de mandataire sportif aux avocats, le législateur s’est ainsi largement inspiré du régime applicable aux agents sportifs (article 6 ter de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 issue de la loi du 28 mars 2011 n° 2011-334 : « Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport »).
Certes, certaines différences subsistent (les avocats mandataires sportifs relèvent disciplinairement de leur ordre, alors que les agents sportifs sont contrôlés par les Fédérations Sportives ; les avocats ne peuvent être rémunérés que par leurs clients, alors que les agents sportifs peuvent faire prendre en charge leur rémunération par le club sportif), mais de nombreuses convergences existent également (envoi des mandats aux fédérations, rémunération maximale de 10%.....).
Or, en matière de rémunération, si l’article L.212-17 du Code du Sport prévoit que les dispositions concernant la rémunération de l’agent le sont à peine de nullité, tel n’était pas le cas pour l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 relatif aux avocats mandataires sportifs.
Pour autant, par l’arrêt commenté, la Cour de cassation semble poursuivre sa volonté d’uniformiser, autant que faire se peut, le traitement des deux activités (agent sportif et avocat mandataire sportif), en considérant que faute de prévoir précisément les modalités de détermination des honoraires de l’avocat mandataire sportif, la nullité des conventions était encourue.
Il convient donc de faire preuve de vigilance lors de la rédaction des contrats d’avocats mandataires sportifs avec des sportifs ou entraîneurs professionnels, en faisant préciser d’une part, le débiteur de la rémunération et, d’autre part, l’assiette précise de calcul des honoraires qui ne sauraient excéder 10%.
Pour autant, si ces premières décisions tracent les contours de la nouvelle profession d’avocat mandataire sportif, toutes les questions ne sont pas pour autant résolues, la Cour de cassation n’ayant, par exemple, pas statué sur le moyen du pourvoi qui soutenait, nonobstant la convention d’intervention exclusive à durée déterminée, que la joueuse était en droit de résilier cette convention d’intervention en application du principe de libre choix de l’avocat.
A rapprocher : articles L.222-7 & suivants du Code du Sport.
L’équipe Droit du Sport
DERBY AVOCATS
Le défaut de souscription d’un contrat de prévoyance par un club professionnel de Basket-Ball : une faute qui coûte cher.
La responsabilité d’un club professionnel de Basket-Ball est encourue dès lors qu’il n’a pas souscrit le contrat de prévoyance rendu obligatoire par la convention collective. Le contrat de travail du joueur est par ailleurs requalifié en CDI dès lors qu’il ne lui a pas été transmis dans les 48h suivant l’embauche.
En matière sportive la santé du joueur salarié est mise à rude épreuve. Il s’agit donc de lui accorder une protection toute particulière dès lors que la performance physique est l’outil de travail principal du salarié.
Plusieurs conventions collectives et accord sectoriels dans la branche du sport, ont donc prévu la souscription obligatoire de contrats de prévoyance qui doivent notamment permettre l’indemnisation du joueur salarié qui se trouverait inapte à la pratique professionnelle de son sport.
C’est le cas de la convention collective du basket professionnel.
Cette garantie est plus communément appelée la garantie « perte de licence », étant indiqué qu’elle n’empêche pas le sportif de souscrire, pour son propre compte, des garanties individuelles prévoyant des montants d’indemnisation supérieurs à ceux de l’accord collectif.
En l’espèce le club du Saint Quentin Basket-Ball qui évoluait alors en Pro B (deuxième division) n’avait pas souscrit un tel contrat.
Or l’un de ses joueurs salariés, victime d’un accident du travail, n’a pu reprendre son activité de joueur professionnel.
Il n’a donc pu bénéficier de la garantie « perte de licence », et a par conséquent saisi le Conseil de Prud’hommes pour solliciter l’indemnisation de son préjudice du chef de la faute commise par son employeur qui n’avait pas respecté l’obligation de souscription du contrat de prévoyance prévue par la convention collective.
Le joueur sollicitait également la requalification de son CDD en CDI, faute pour l’employeur de lui avoir transmis son contrat de travail dans les deux jours suivant son embauche.
Par une décision pour le moins étrange et juridiquement critiquable du 20 février 2017, le Conseil de Prud’hommes de Saint Quentin a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, le condamnant même à 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et 1.000 euros à titre d’amende civile.
Le salarié a interjeté appel du jugement.
Dans un arrêt du 14 novembre 2018, la Cour d’Appel d’Amiens a infirmé le jugement de première instance et a fait droit aux prétentions de l’appelant.
La Cour retient que le club a bien commis un manquement à ses obligations en s’abstenant de souscrire le contrat de prévoyance objet du litige.
Contrairement à ce que prétendait le club, la Cour retient que l’inaptitude n’a pas à être nécessairement constatée par le médecin du travail s’agissant de l’application d’un contrat d’assurance, et que le joueur rapportait bien la preuve de celle-ci par divers avis médicaux.
Il est particulièrement heureux que la Cour n’ait pas suivi l’employeur dans cette argumentation étant donné que les joueurs professionnels sont souvent embauchés par le biais de CDD et que l’inaptitude peut parfois être constatée après le terme de ce CDD dans l’attente de la consolidation de son état de santé par suite d’un accident du travail. Or si le contrat de travail a pris fin, le joueur n’a plus accès à la médecine du travail.
Pour fixer le préjudice, la Cour de réfère à la convention collective applicable qui fixe un montant d’indemnités minimum que le contrat de prévoyance doit garantir en cas de perte de licence.
Il est intéressant de noter qu’au-delà des sportifs salariés, les Fédérations Sportives doivent également protéger la santé de leurs sportifs de haut niveau en souscrivant de tels contrats d’assurance (L321-4-1 du Code du Sport dont le décret d’application n°2018-851 a été publié le 4 octobre 2018, avec cependant des niveaux d’indemnisations bien moins élevés que les accords collectifs existant pour les sportifs salariés).
Enfin, la Cour a requalifié le CDD du joueur en CDI pour défaut de transmission dans les deux jours suivant l’embauche.
Le club soutenait qu’un projet de contrat de travail avait été transmis à l’agent sportif ayant servi d’intermédiaire entre les deux parties avant l’embauche.
Or en réalité l’agent sportif avait été mandaté par le club. Dès lors la Cour en conclut logiquement que la transmission du contrat d’un mandataire à son mandant ne peut valoir transmission au salarié.
On rappellera que l’agent sportif ne peut être mandaté que par une des deux parties à la signature du contrat de travail (article L 222-17 du Code du Sport).
Au total, c’est plus de 170.000 euros que le Saint Quentin Basket-Ball devra verser au joueur.
CA Amiens 14 novembre 2018 n°17/00956
L’Equipe Droit du Sport
Derby Avocats
INDEMNITES DE TRANSFERT DES SPORTIFS PROFESSIONNELS ET LICENCIEMENT ECONOMIQUE
Deux arrêts récemment rendus par la Cour d’Appel d’ANGERS le 12 juillet 2018, statuant sur renvoi de cassation, éclairent le traitement qu’il convient de faire des indemnités de transfert des sportifs professionnels dans le cadre d’éventuelles difficultés économiques de leurs employeurs.
Ces décisions apportent également des précisions quant aux conséquences d’une potentielle baisse des droits télévisés en matière de licenciement économique, et en ce qui concerne le périmètre d’appréciation des difficultés économiques et de l’obligation de reclassement dans les clubs sportifs professionnels.
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Lors de l’intersaison 2012, le club de football FC LORIENT a procédé au licenciement économique de plusieurs salariés.
Les motifs invoqués tenaient aux difficultés économiques rencontrées par le club, notamment en raison d’une prévisible baisse des droits TV.
Par arrêt en date du 4 novembre 2015, la Cour d’Appel de RENNES estimait que les difficultés économiques étaient établies et les licenciements économiques bien fondés.
Par arrêt du 14 juin 2017, la Cour de Cassation a cassé et annulé les arrêts de la Cour d’Appel en lui reprochant d’avoir statué sur le fondement du licenciement en raison de difficultés économiques, alors que la lettre de licenciement invoquait des licenciements en raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.
Les débats demeuraient donc ouverts devant la Cour d’Appel de renvoi quant au point de savoir si les éléments factuels débattus pouvaient justifier les licenciements économiques prononcés en raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du club sportif.
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Le premier argument soutenu par l’employeur tenait au fait que son « résultat d’exploitation » était depuis plusieurs années constamment déficitaire, ce qui établissait selon lui les difficultés économiques nécessitant la mise en place de mesures permettant de sauvegarder sa compétitivité, dont les licenciements économiques étaient l’aboutissement ultime.
Pour le club les indemnités de mutation liées au transfert de certains joueurs professionnels à la fin de chaque saison sportive étaient comptabilisées en « résultats exceptionnels » dans les comptes du club, ce qui établissait l’existence d’un déficit structurel, justifiant la mise en place des mesures de sauvegarde de compétitivité.
En synthèse le club soutenait qu’il ne pouvait pas, sans s’appauvrir, être contraint de vendre chaque année des joueurs pour équilibrer son budget.
La Cour d’Appel d’Angers ne suit pas ce raisonnement et estime au contraire que :« ces ventes ne constituaient pas un appauvrissement du club qui se séparait de ces joueurs en réalisant une plus-value, dont la valeur financière est intégrée par la DNCG dans les comptes de résultat des clubs professionnels qu’elle contrôle et, selon les bilans comptables dans le résultat net en tant que rentrée financière ».
Ainsi, le fait qu’une fois les transferts comptabilisés, le club dispose de résultats positifs, suffisait à établir l’absence de difficultés financières, et ce même si chaque année le montant des transferts opérés n’était pas certain.
Ce faisant la Cour d’Appel d’ANGERS s’aligne sur la position de la DNCG qui -dès lors que ces rentrées sont certaines et non hypothétiques- admet de manière constante que le fruit des opérations de mutation a vocation à être intégré dans les comptes, pour apprécier si l’équilibre budgétaire du club sportif est, ou non, atteint.
Admettre le contraire reviendrait d’ailleurs à permettre de manière constante aux clubs de procéder à des licenciements économiques fondés sur ce motif, puisque les rapports de la DNCG établissent que les clubs de football français sont structurellement déficitaires pour ce qui touche au résultat d’exploitation (moins 331 000 000 € en 2011/2012 et moins 383 000 000 € en 2015/2016) ; alors qu’à l’inverse les résultats des opérations de mutation sont positifs :(+ 180 000 000 € en 2011/2012 et + 429 000 000 € en 2015/2016).
On trouve d’ailleurs ici un alignement, en matière de droit du travail, sur la position récemment prise par le Conseil d’Etat à l’occasion d’un litige portant sur le point de savoir si les indemnités de cession des contrats de joueur participaient à l’activité normale et habituelle du club, ou au contraire revêtait un caractère accessoire, de sorte qu’elles n’avaient pas vocation à être prises en compte dans le calcul de la valeur rajoutée pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle.
Dans son arrêt du 6 décembre 2017 (n° 401533) le Conseil d’Etat a en effet retenu que ce type d’opération « présente un caractère récurrent et génère une part significative voire structurelle des produits financiers des clubs, fait partie du modèle économique de ces clubs et dès lors doit être regardé comme ayant un caractère habituel alors même que les transferts des joueurs n’interviendraient pas toujours au moment où les clubs pourraient en tirer le plus grand profit ».
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Par ailleurs les deux arrêts rendus apportent également une réponse intéressante quant à l’appréciation d’une baisse potentielle des droits télévisés dans le cadre d’éventuelles procédures de licenciement économique.
Même si à l’heure actuelle ces droits télévisuels apparaissent à la hausse dans le secteur du football, la Cour indique pour la première fois à notre connaissance que cette baisse potentielle des droits télévisuels n’a pas nécessairement pour effet immédiat une nécessité pour les clubs de sauvegarder leur compétitivité.
En effet, dès lors que cette baisse a vocation à toucher de la même manière l’ensemble des entreprises du secteur d’activité (en l’espèce celui du football professionnel) il pouvait être retenu qu’il ne s’en induisait pas une distorsion de compétitivité entre chacun des clubs.
La Cour estime en effet, outre le fait qu’il n’était pas possible pour l’employeur de présumer qu’il occuperait la saison suivante une place moins favorable à celle obtenue au jour des licenciements, que celui-ci ne prouvait pas davantage : « que la compétitivité des autres clubs du championnat de France de football professionnel s’en trouvait améliorée et menaçait la sienne ; aucune pièce n’étant produite de nature à démontrer que sa compétitivité est en péril vis-à-vis des autres clubs et sur le secteur d’activité de football professionnel français. »
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Enfin l’arrêt confirme, pour ce qui touche au périmètre d’appréciation des difficultés économiques et de l’obligation de reclassement, que celui-ci comporte non seulement la société gérant les activités professionnelles du club, mais doit également s’apprécier au niveau du groupe intégrant les filiales, ainsi qu’en intégrant l’association support loi 1901 gérant le secteur amateur et le centre de formation, laquelle dispose de liens structurels avec le club professionnel (article R 122-8 du Code du sport). Déjà en ce sens (CA AIX 27.01.2015 RG 2015/71 MATTEI/OGC NICE)
Département Droit du port
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