Un pas de plus de la Cour de Cassation vers le contrôle de proportionnalité ?
L’article 604 du Code de Procédure Civile dispose :
« Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu'il attaque aux règles de droit. »
Classiquement, la Cour de Cassation est une juridiction qui ne sanctionne que les erreurs de droit des différentes juridictions, ces dernières bénéficiant d’une souveraineté quant à l’appréciation du cas d’espèce qu’elles doivent juger.
Pour autant, on peut légitimement s’interroger si parfois, les magistrats de la Cour de Cassation n’anticipent pas, certes à « pas mesurés », la mise en place d’un contrôle de proportionnalité, que certains praticiens et commentateurs appellent de leurs vœux.
Le sport a récemment donné une très bonne illustration de cette situation.
La Cour de Cassation a ainsi été amenée à se pencher sur le licenciement pour faute grave d’un entraineur de basket-ball.
On le sait, en matière de sport professionnel, les contrats de travail des joueurs et de leurs entraineurs relevaient, jusque très récemment, du CDD d’usage.
A l’instar de tout CDD, les motifs de rupture anticipée de ce dernier sont limitatifs et d’ordre public, à savoir :
- La rupture d’un commun accord
- La faute grave
- L’inaptitude
- La force majeure.
Il convient de rappeler que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
Dans le cas d’espèce, après un coup de colère et le renvoi au vestiaire d’une de ses joueuses, un entraineur de basket-ball a vu son contrat de travail rompu pour faute grave.
Les juges du fond ayant estimé que cette rupture était abusive, le club employeur a formé un pourvoi en cassation.
Le club critiquant l’appréciation des faits de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation aurait pu légitimement se contenter de rejeter ce moyen en renvoyant à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Or, justement, la Haute Cour a pris le soin d’analyser les circonstances amenant à la rupture:
« Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que le renvoi aux vestiaires d'une joueuse de l'équipe, sans propos vexatoires ou blessants, et les gestes d'énervement reprochés au salarié devaient être replacés dans le contexte du sport de haut niveau et des compétitions sportives, et d'autre part, que l'intéressé versait aux débats de nombreuses attestations faisant état de son professionnalisme et de ses qualités humaines, la cour d'appel, qui a examiné l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de rupture du contrat de travail, a pu décider que la faute grave n'était pas caractérisée »
Ainsi, si la chambre sociale valide l’analyse de la Cour d’Appel, elle reprend à son compte les éléments factuels que cette dernière a développé et procède ainsi indirectement à ce contrôle de proportionnalité.
Cet arrêt, certes non précurseur, ouvre malgré tout des perspectives qui pourraient amener le législateur à faire évoluer la loi ; et ainsi permettre aux magistrats de la Cour de cassation, à l’instar de certains de leurs homologues européens, d’opérer un contrôle plus prononcé des arrêts des juridictions d’appel.
Cass. Soc. 25 novembre 2015 n°14-17446
Département Droit du Sport
DERBY AVOCATS
FOOTBALL : la diminution automatique des salaires des joueurs des clubs relégués jugée illégale !!
Coup de tonnerre sur le football professionnel ce 10 février 2016 !
La Cour de Cassation a jugé illégales les dispositions de la Charte du Football Professionnel prévoyant une diminution de salaire des joueurs relégués avec leur club.
En effet, la Charte du Football Professionnel prévoit en son article 761 :
« Pour les joueurs professionnels :
En cas de relégation en division inférieure, le club a la faculté de diminuer le montant des contrats de ses joueurs professionnels, sous réserve du respect du salaire mensuel brut minimum prévu à l’article 759 de la présente annexe.
Pour les contrats conclus avant le 1er juillet 2003 et au titre des saisons 2003/2004 et suivantes, cette diminution est égale à :
- 20 % pour un club relégué en Ligue 2 ;
- 15 % pour un club relégué en championnat National pour les joueurs professionnels autres que ceux sous premier contrat ;
- 10 % pour un club relégué en championnat National pour les joueurs professionnels sous premier contrat professionnel.
Pour les contrats conclus à partir du 1er juillet 2003, en cas de relégation en division inférieure, les clubs ont la faculté de diminuer collectivement la rémunération de leurs joueurs de 20 %.
Au-delà de ce pourcentage, les clubs peuvent proposer individuellement à leurs joueurs, par écrit avant le 30 juin avec copie à la LFP (à défaut, la procédure doit être considérée comme nulle), une diminution de leur rémunération selon la grille ci-dessous :
1/ 30 % pour les salaires (brut mensuels) inférieurs ou égaux à 34 846 euros ;
2/ 40 % pour les salaires (brut mensuels) compris entre 34 847 et 52 136 euros;
3/ 50 % pour les salaires (brut mensuels) supérieurs à 52 137 euros.
La réponse du joueur doit intervenir dans un délai maximum de huit jours de la réception de la proposition écrite.
Il pourra :
- Soit accepter la baisse de salaires formulée par le club en cas de relégation ;
- Soit être libéré de son contrat au 30 juin sans indemnité s’il refuse la baisse de salaire proposée.
En cas de refus et de maintien de la relation contractuelle par accord des parties, le joueur se verra appliquer la diminution collective de 20 %.
L’absence de réponse écrite du joueur dans le délai indiqué vaut acceptation de la diminution proposée par le club.
Les dispositions de diminution de rémunération de 30 à 50 % en cas de relégation en division inférieure qui concernent les contrats conclus à partir du 1er juillet 2003 ne peuvent néanmoins conduire à une rémunération brute mensuelle inférieure à un montant de 8 694 euros brut mensuel.
En cas de remontée la saison suivante le club devra alors, par rapport aux conventions passées, rétablir les conditions de rémunérations initialement prévues. »
Cette clause de la convention collective prévoit donc une diminution de salaire de 20 % soumise à la décision unilatérale des clubs.
Au-delà, les clubs employeurs doivent recueillir l’accord individuel du joueur. A défaut, le joueur peut être libéré de son contrat.
Or, la Cour de Cassation, par un arrêt du 10 février 2016, concernant un ancien joueur du FC NANTES, est venue affirmer que cette clause est contraire au principe selon lequel la modification d’un élément essentiel du contrat de travail nécessite l’acceptation du salarié.
Ainsi, toute diminution de salaire doit faire suite à un accord exprès du salarié.
A défaut, son salaire doit être maintenu, et le refus de diminution du salaire ne peut entraîner la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Les conséquences peuvent être lourdes : chaque joueur qui a vu son salaire diminué au cours des trois dernières années, ou qui a vu son contrat rompu pour cause de refus de diminution de son salaire se trouverait ainsi fondé à saisir le Conseil de Prud’hommes.
Le département Droit du Sport
DERBY AVOCATS
Enseignement du sport : la protection des titres des enseignants limitée à la condition de rémunération.
Par quatre arrêts du 17 décembre 2015, la Cour de Cassation a refusé d’interdire aux Fédérations sportives d’utiliser les titres de « professeur », « moniteur », « éducateur », « entraîneur » ou « animateur », ou tout autre titre similaire, aux fins de dénomination de leurs diplômes fédérales d’enseignement du sport.
Pour comprendre les enjeux de cet arrêt, il faut rappeler que l’article L212-1 du Code du Sport conditionne l’enseignement du sport contre rémunération à l’obtention d’un diplôme :
« 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ;
2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l'article L. 335-6 du code de l'éducation. »
Or les Fédérations sportives, pour satisfaire la formation dans le cadre du bénévolat, ont également créé leurs diplômes d’enseignement du sport.
Depuis plusieurs années, le Confédération nationale des éducateurs sportifs des salariés du sport et de l'animation (CNES) s’est attaqué à la dénomination de ces diplômes, et a assigné plusieurs fédérations avec pour objectif de les empêcher d’utiliser les titres susvisés dans le cadre de leurs formations.
La CNES souhaitait pouvoir réserver ces titres aux diplômes permettant l’enseignement du sport contre rémunération.
La CNES estimait que l’utilisation de titres identiques était une tromperie pour le pratiquant. Elle voulait permettre au public de pouvoir identifier, par son seul titre, le professionnel du bénévole.
Pour cela, la CNES se fondait sur l’article L212-8 du Code du Sport qui dispose :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait pour toute personne :
1° D'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre titre similaire sans posséder la qualification requise au I de l'article L. 212-1 ou d'exercer son activité en violation de l'article L. 212-7 sans avoir satisfait aux tests auxquels l'autorité administrative l'a soumise ; »
Les fédérations sportives étaient pour leur part soutenu par le Ministère des Sports.
Le juges du fond, après avoir condamné les fédérations en première instance, n’ont pas fait droit à cette argumentation en appel, estimant notamment « qu'interdire aux fédérations d'utiliser les termes de « professeur », « moniteur », « éducateur », « entraîneur » ou « animateur », ou tout autre titre similaire, pour les diplômes délivrés à ses enseignants bénévoles, serait de nature à leur interdire d'assurer leur mission de formation dans le cadre du bénévolat ».
La CNES s’est donc pourvu en cassation.
Le 17 décembre 2015, la Cour de Cassation a finalement tranché en faveur des fédérations sportives que « le champ d'application de l'article L. 212-8 du code du sport était limité à l'exercice de l'enseignement contre rémunération d'une activité physique ou sportive » et donc que les fédérations sportives pouvaient « faire usage des titres litigieux dans l'intitulé de ses diplômes n'ouvrant droit qu'à l'exercice d'un enseignement bénévole ».
Si la rédaction de l’article L212-8 du Code du sport pouvait laisser subsister un doute quant à son champ d’application, la Cour de Cassation en a fait une interprétation restrictive conforme au principe d'interprétation stricte de la loi pénale.
Tous ces diplômes, usant donc parfois du même titre, vont pouvoir continuer de coexister, certains ouvrant le droit à l’enseignement du sport contre rémunération, d’autres ne permettant qu’une activité bénévole.
Le question de savoir s'il conviendrait de distinguer, selon les titres ou diplômes, ceux qui permettent d'enseigner contre rémunération de ceux qui permettent encadrer bénévolement, relève donc désormais de l'intervention législative
Cass. 1ere civ. 17/12/2015 n°14-265.30, n°14-26530, n°14-26531, n°14-26532
Département Droit du Sport
DERBY AVOCATS
La frontière entre sanction disciplinaire et simple document contenant des griefs est parfois mince : prudence dans la rédaction.
Un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 12 novembre 2015 (n°14-17.615) nous rappelle à cette question au combien importante de savoir si un mail, courrier, document ou autre contenant des griefs constitue nécessairement une sanction disciplinaire.
Dans cet arrêt, une salariée à qui avait été adressé un compte rendu de l’entretien préalable auquel elle avait été convoquée a sollicité la requalification de son licenciement subséquent en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les griefs contenus dans la lettre de licenciement avaient déjà été sanctionnés par la remise du compte rendu.
Ainsi la salariée considérait que le compte rendu de l’entretien préalable constituait une sanction disciplinaire de sorte que le pouvoir disciplinaire de son employeur s’agissant des griefs retenus était épuisé.
La Cour d’appel dont l’arrêt est confirmé par la Cour de cassation a rejeté cette argumentation en retenant que le compte rendu de l’entretien ne contenait aucune volonté de sanctionner le comportement de la salariée mais se contentait tout au contraire d’énumérer les divers griefs et insuffisances qui lui étaient reprochés.
Il ressort de cet arrêt récent et de la jurisprudence de la Cour de Cassation que la distinction entre sanction disciplinaire et absence de sanction disciplinaire semble dépendre de l’existence ou non d’une injonction de la part de l’employeur de cesser le ou les agissements reprochés.
Ainsi et à titre d’exemples :
- Le mail dans lequel l’employeur formule des manquements à des règles et procédures internes et invite impérativement le salarié à s’y conformer constitue un avertissement (Cass.soc. 09.04.2014 n°13-10.939) ;
- En revanche, les courriers adressés au salarié pour lui demander de modifier son comportement ne constitueraient pas une sanction mais un simple rappel à l’ordre (Cass.soc. 14.09.2010 n°09-66.180).
Département droit social
Elise DELAUNAY
Les conseillers techniques sportifs et la loi du 27 novembre 2015
La Loi du 27 novembre 2015 est venue apporter une précision importante sur la situation des conseillers techniques sportifs intervenants auprès des fédérations sportives.
Avant d'envisager les nouveautés découlant du récent dispositif législatif (2), il convient rapidement de rappeler l'état des textes et de la jurisprudence antérieure applicables aux conseillers techniques sportifs placés auprès des fédérations sportives (1).
- État du droit et jurisprudences
1.1 Les textes applicables
De longue date les fédérations sportives sont considérées comme chargées d’une mission de service public et ont vocation, chacune dans leur discipline, à mettre en place des actions visant à développer la pratique sportive.
C’est dans ce contexte, que depuis près de quarante ans, des fonctionnaires relevant principalement du Ministère des Sports et appartenant pour la plupart au corps des professeurs de sport, furent mis à disposition des fédérations sportives pour participer au développement de la pratique sportive.
Ces conseillers techniques sportifs ou « cadres techniques » furent ainsi affectés auprès des fédérations sportives ou de leurs organes déconcentrées, les ligues régionales et comités départementaux.
Les premières traces législatives de cette mise à disposition se trouvent à l’article 11 de la loi du 29 octobre 1975.
Ces dispositions furent reprises par l’article 16.4 de la loi du 16 juillet 1984.
« Les fédérations sportives peuvent recevoir un concours financier et en personnel de l'Etat conformément à l'article 44 de la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. »
L’article 44 de la Loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à l’époque disposait :
« Les organismes à caractère associatif et qui assurent des missions d'intérêt général, notamment les organismes de chasse ou de pêche, peuvent bénéficier, sur leur demande, pour l'exécution de ces missions, de la mise à disposition ou du détachement de fonctionnaires de l'Etat et des communes ou d'agents d'établissements publics.
Ces fonctionnaires et agents sont placés sous l'autorité directe du président élu des organismes auprès desquels ils sont détachés ou mis à disposition.
Les conditions et modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Par la suite le décret du 28 décembre 2005 est venu préciser les modalités d’organisation et de gestion des conseillers techniques intervenant auprès des fédérations.
L’article 1er du Décret faisait expressément référence à la Loi du 16 juillet 1984 et à son article 16 :
« Article 1
Les missions de conseillers techniques sportifs susceptibles d'être exercées auprès des fédérations sportives au titre du deuxième alinéa du V de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée sont celles de directeur technique national, d'entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional.
Ces missions portent en priorité sur le développement des activités physiques et sportives, et en particulier sur la pratique sportive au sein des associations sportives ainsi que sur la détection de jeunes talents, le perfectionnement de l'élite et la formation des cadres, bénévoles et professionnels.
(…)
Les missions de conseiller technique national et de conseiller technique régional sont respectivement de mener, l'un au niveau national et l'autre au niveau territorial, des tâches d'observation et d'analyse, de conseil et d'expertise, d'encadrement de sportifs, de formation des cadres, d'organisation et de développement de l'activité sportive de la fédération intéressée.
Les personnels exerçant ces missions sont chargés de mettre en oeuvre la politique sportive définie par la fédération. Cette politique fait l'objet de contrats avec l'Etat dans le cadre de chaque convention d'objectifs prévue au deuxième alinéa du V de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 précitée.
Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l'exercice de leurs missions, selon les cas, à l'autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré. »
Suite à la codification intervenue en 2006 et portant création du Code du Sport, ces dispositions figuraient à l’article L 131-12 du Code du Sport qui prévoit :
« Des personnels de l'Etat ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. »
et aux articles R. 131-16 et suivants du même code qui disposent notamment :
« Article R 131-16
Les missions de conseillers techniques sportifs susceptibles d'être exercées auprès des fédérations sportives en application de l'article L. 131-12 sont celles de directeur technique national, d'entraîneur national, de conseiller technique national ou de conseiller technique régional.
(…)
Les personnels exerçant les missions précitées sont chargés de mettre en oeuvre la politique sportive définie par la fédération.
Cette politique fait l'objet d'une contractualisation entre la fédération et l'Etat dans le cadre de la convention d'objectifs mentionnée à l'article R. 411-1. Les personnels exerçant les missions de conseillers techniques sportifs restent soumis durant toute la durée de l'exercice de leurs missions, selon les cas, à l'autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré.
Article R 131-20 :
Les personnels exerçant la mission de directeur technique national élaborent, en accord avec le président de la fédération intéressée, selon une périodicité pluriannuelle, des directives techniques nationales actualisées chaque année. Ils en informent le ministre chargé des sports puis les adressent aux entraîneurs nationaux, aux conseillers techniques nationaux et aux conseillers techniques régionaux.
Les relations fonctionnelles entre, d'une part, les agents exerçant des missions de conseillers techniques sportifs et, d'autre part, selon les cas, le président de la fédération, de la ligue régionale ou du comité régional intéressés sont précisées dans la convention-cadre prévue à l'article R. 131-23. Ces agents sont, selon les cas, notés ou évalués par le ministre chargé des sports, au vu d'éléments fournis notamment par la fédération dans des conditions précisées dans la convention-cadre.
Article R 131-21 :
L'agent qui exerce la mission de conseiller technique sportif perçoit une rémunération de l'Etat. Il est indemnisé par la fédération intéressée des frais et sujétions exposés dans l'exercice de sa mission.
Article R 131-22 :
Une lettre de mission annuelle ou pluriannuelle fixe, pour chaque agent exerçant une mission de conseiller technique sportif, le contenu détaillé des tâches qui lui sont confiées et ses modalités d'intervention. Elle fixe la durée de ces missions.
Elle est établie par le chef de service, après avis de l'agent intéressé, sur la base de propositions formulées par :
1° Le président de la fédération, pour les personnels exerçant une mission de directeur technique national ;
2° Le directeur technique national, pour les personnels exerçant une mission d'entraîneur national ou de conseiller technique national ;
3° Le directeur technique national après avis du président de ligue ou de comité régional, pour les personnels exerçant une mission de conseiller technique régional.
Article R 131-23 :
Une convention-cadre, signée par le ministre chargé des sports et par le président de la fédération, fixe, pour une période qui ne peut excéder quatre ans, le nombre d'agents susceptibles d'exercer leurs missions auprès de la fédération aux plans national et territorial et définit les modalités d'exercice de leurs interventions. Elle peut faire l'objet d'une actualisation chaque année.
Elle précise les conditions d'organisation et de prise en charge des actions de formation professionnelle de ces agents.
Cette convention-cadre est complétée par des conventions d'équipes techniques régionales signées par les directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et des loisirs et les présidents de ligues ou comités régionaux, lorsque des personnels exercent des missions de conseillers techniques sportifs sous la responsabilité de ces directeurs régionaux. »
Il ressort de ces dispositions législatives que le statut des conseillers techniques intervenant auprès des fédérations sportives reprend les grandes lignes du mécanisme de mise à disposition des fonctionnaires à savoir notamment :
- maintien du fonctionnaire mis à disposition dans son corps d’origine qui continue de le rémunérer alors que le fonctionnaire accompli son travail pour le compte d’un organisme tiers
- autorité disciplinaire conservée par l’administration d’origine
Pour autant le fait que terme de « mise à disposition » ne soit pas expressément employé par le législateur, et l’emploi du vocable « indemnité pour frais et sujétions » ont laissé plané le doute sur la situation des cadres d’Etat placés auprès des fédérations sportives, notamment dans les cas où leur intervention prenait fin de manière anticipée à la demande de l’organisme d’accueil, ou lorsque surgissait des différends concernant les sommes versées par lesdites structures d’accueil, souvent de manière constante depuis de nombreuses années
C’est donc dans ce contexte que les juridictions ont appliqué aux conseillers techniques sportifs la jurisprudence relative aux fonctionnaires mis à disposition, lorsqu’il s’est agi de savoir si ces conseillers techniques travaillant pour le compte des Fédérations, Ligues régionales ou districts départementaux se trouvaient liés – ou non – à ces organismes d’accueil par un contrat de travail.
1.2. La jurisprudence
1.2.1 Concernant les fonctionnaires mis à disposition.
Il est jugé depuis un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation du 20 Décembre 1996 que « le fonctionnaire mis à disposition dans un organisme de droit privé et qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail » (AP 20 décembre 1996, 92-40641).
Le Tribunal des conflits a également considéré dans un arrêt du 10 mars 1997 que le litige opposant un fonctionnaire mis à disposition d’une association sans but lucratif relevait de la compétence du juge judiciaire :
« Attendu que nonobstant le fait que Madame F. ait, dans la situation de mise à disposition, continué à dépendre de la Communauté urbaine de Strasbourg et à percevoir son traitement de fonctionnaire territoriale, le contrat qui l’unissait au centre européen de développement régional était un contrat de droit privé. »
Dans des arrêts plus récents la Cour de Cassation ne fait même plus référence à l’exigence d’un lien de subordination – dès lors que s’agissant de mise à disposition le pouvoir disciplinaire est conservé par l’administration – mais déduit du seul accomplissement d’un travail, l’existence d’un contrat de travail
En ce sens :
Soc 12 juin 2007 (n° 05-45285)
« Attendu que le fonctionnaire mis à disposition d’un organisme de droit privé et qui accomplit pour le compte de celui-ci un travail se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail. »
Soc 17 juin 2009 (n° 08-42.683)
« Attendu, cependant, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci est lié à cet organisme par un contrat de travail »
Soc, 14 décembre 2011 (n°09-43150)
« Qu'en statuant ainsi, alors que l'agent statutaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail, sans qu'il soit besoin de caractériser un lien de subordination ».
1.2.2 Concernant les conseillers techniques sportifs.
La jurisprudence susvisée fut régulièrement appliquée aux conseillers techniques sportifs :
Soc. 13 mars 2001, (n° 99-40154) :
Vu l'article L. 121-1 du Code du travail et l'article 11 de la loi n° 75-988 du 29 octobre 1975 relative au développement de l'éducation physique et du sport ;
Attendu que, selon le second de ces textes, les techniciens recrutés et rémunérés par le ministre chargé des Sports et mis à disposition des fédérations sportives sont chargés, sous la responsabilité et la direction de celles-ci, en particulier de promouvoir le sport à tous les niveaux, de préparer la sélection, d'entraîner les équipes nationales, de découvrir les espoirs et de former les entraîneurs ;
Attendu que, par convention passée le 28 septembre 1983 entre la direction départementale du temps libre Jeunesse et Sports de l'Aveyron et le district de football de l'Aveyron, M. Fraysse, conseiller technique départemental (depuis 1976), a été mis à la disposition de ce dernier ; que, par lettre du 29 septembre 1994, le président de l'Association District Aveyron football (ADAF) a avisé le directeur de la Jeunesse et des Sports de l'Aveyron de la décision de mettre fin à cette convention ; que, par courrier du même jour, il a porté à la connaissance de M. Fraysse cette décision ; que, s'estimant licencié, l'intéressé a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail ;
Attendu que, pour débouter l'intéressé de ses demandes, la cour d'appel énonce que la convention de mise à disposition de M. Fraysse, agent de l'Etat, révèle que l'action de ce dernier s'exerçait sous la seule autorité hiérarchique du directeur départemental de la Jeunesse et des Sports de Rodez auquel il devait périodiquement rendre compte de son action, et ce alors qu'aucun élément produit par lui ne fait état de directives de l'ADAF auxquelles il aurait été soumis, que les attestations produites n'évoquent à aucun moment l'exercice par M. Fraysse d'une activité professionnelle distincte, en tant que salarié pour le compte de l'ADAF, de celle résultant de la convention de mise à disposition initiale, et qu'il apparaît qu'aucun lien de subordination n'existait entre l'ADAF et lui ;
Attendu, cependant, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail est lié à cet organisme par un contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que si l'intéressé restait lié à son administration d'origine, son travail était effectué depuis 1983, dans le cadre de la loi du 29 octobre 1975, pour le compte de l'association, qui a d'ailleurs pris l'initiative de mettre fin à la mise à disposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Encore récemment, et postérieurement à la création du Code du sport et la publication du Décret de 2005 précisant le cadre d’intervention des conseillers techniques sportifs auprès des fédérations, la Cour de Cassation a maintenu sa position :
Soc 5 février 2015 n°13-21634 :
« Attendu, d’abord, que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail est lié à cet organisme par un contrat de travail ;
Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles L. 131-12 et R. 131-16 du code du sport que les techniciens recrutés et rémunérés par le ministre chargé des sports et mis à disposition des fédérations sportives sont chargés, sous la responsabilité et la direction de celles-ci, en particulier de promouvoir le sport à tous les niveaux, de préparer la sélection, d'entraîner les équipes nationales, de découvrir les espoirs et de former les entraîneurs
Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le conseiller technique régional avait été mis à disposition de la Ligue atlantique de football et qu’il avait pour mission de mettre en oeuvre la politique sportive définie par l’organisme bénéficiaire de la mise à disposition, a exactement décidé que les parties étaient liées par un contrat de travail »
Dans cette affaire un conseiller technique sportif , exerçant depuis de nombreuses années au sein d'une ligue régionale de football, avait vu les sommes versées par l'organisme d'accueil dans le cadre de ses fonctions (en plus de son traitement de fonctionnaire) soudain réduites unilatéralement au prétexte qu'un autre conseiller technique avait été mis à disposition de la ligue et que les missions confiées étaient réduites d'autant. Le conseiller technique en cause avait finalement pris acte de la rupture de son contrat au tort de l'employeur (la ligue) en soutenant que cette réduction unilatérale de sa rémunération n'était pas possible sans son accord.
Condamnée en appel la Ligue formait un pourvoi qui soutenait pour l’essentiel que la notion de "placement" devait différer de la notion de "mise à disposition" habituellement appliquée à d'autres fonctionnaires intervenant auprès d'associations de droit privé ou encore que la notion de "frais et sujétion" employée par le Code du sport différait de celle de "rémunération" qui seule pouvait caractériser l'existence d'un contrat de travail.
Or, dans son arrêt du 5 février 2015, la Cour de cassation emploie de manière claire et non équivoque le terme de "mise à disposition" pour caractériser la situation des cadres techniques intervenant auprès des fédérations, et permet d’induire qu’il ne saurait exister de différence de traitement jurisprudentiel avec les autres types de mises à disposition, et ce nonobstant l'absence de références expresses à la mise à disposition au sein du Code du sport.
Cette décision ne fut pas sans provoquer une certaine émotion au sein des fédérations sportives car elle était susceptible d’impliquer diverse conséquences lors de la rupture des relations contractuelles (versement d’indemnité de licenciement, préavis…) ; et ce même si d’autres décisions pouvaient juger pour ce qui touche au fonctionnement quotidien au sein de la structure d’accueil que l’identité de régime juridique avec les autres salariés n’était pas toujours de mise (TI Versailles 17 novembre 2015, jugeant que les conseillers techniques sportifs d’Etat ne faisaient pas partie de l’effectif devant être pris en compte lors de l’organisation des élections professionnelles).
La question de la situation des conseillers techniques sportifs fut donc intégrée dans les travaux de la mission KARAQUILLO qui devait déboucher sur la loi du 27 novembre 2015.
2. Les nouveaux textes : apport et questions en suspens
L’article L.131-12 du Code du sport tel qu’issu de l’article 23 de la Loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015 est désormais ainsi rédigé :
"Des personnels de l'Etat ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Les fédérations peuvent, au titre de ces missions, leur verser des indemnités, dans des limites et conditions fixées par décret.
Pendant la durée de leurs missions, les conseillers techniques sportifs restent placés, selon les cas, sous l'autorité hiérarchique exclusive du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré dont ils relèvent. Ils ne peuvent être regardés, dans l'accomplissement de leurs missions, comme liés à la fédération par un lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail.
Pour l'exercice de leurs missions et par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaires, ces agents, lorsqu'ils exercent les missions de directeur technique national, de directeur technique national adjoint ou d'entraîneur national, peuvent être détachés sur contrat de droit public, dans les emplois correspondants, dans les conditions et selon les modalités fixées par le décret prévu au premier alinéa du présent article.
A l'instar de ce qui avait été prévu pour les arbitres et juges sportifs (article L. 223-3 du code du sport) l'absence de lien de subordination et donc de contrat de travail, se trouve désormais décidée par détermination de la loi.
Ces nouvelles dispositions législatives ont l'avantage de clarifier la situation des cadres d'Etat mis à disposition des fédérations sportives et de leurs organes déconcentrés, et vont clairement contre l’analyse jurisprudentielle qu’avait fait la Cour de Cassation de la situation de ces conseillers sportifs au sein des structures d’accueil.
Par ailleurs un décret du 31 décembre 2015 n°2015-1920 est venu préciser : « Une indemnité spéciale peut être attribuée aux agents publics exerçant auprès des fédérations sportives les fonctions de conseiller technique sportif en qualité de directeur technique national ou d'entraîneur national, dans les conditions fixées par le présent décret. Lorsque les fonctions correspondantes sont assorties d'un niveau élevé de responsabilités, l'indemnité spéciale peut aussi être versée à certains agents publics exerçant les fonctions de conseiller technique sportif en qualité de conseiller technique national. Un arrêté des ministres chargés de la fonction publique, du budget et des sports fixe le nombre des conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale. Un arrêté du ministre chargé des sports fixe la liste des conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale » (article 1) et que « le montant de l'indemnité prévue à l'article 1er du présent décret est compris entre 80 et 120 % d'un montant de référence annuel brut fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé des sports. » (article 2)
La notice du décret précise : « le décret institue une indemnité spéciale pour les agents publics exerçant auprès des fédérations sportives des fonctions de conseiller technique sportif, en qualité de directeur technique national, d'entraîneur national ou de conseiller technique national. Cette indemnité est destinée à se substituer aux actuels compléments de rémunération versés à ces agents par les fédérations sur leur subvention. »
Les arrêtés pris pour application du décret précisent :
- Que le montant de référence annuel de l'indemnité spéciale des conseillers techniques sportifs est fixé, en application de l'article 2 du décret du 30 décembre 2015 susvisé, comme suit : Directeur technique national 8 500 €, Entraîneur national 5 200 €, Conseiller technique national 1 040 €
- Que le nombre maximum de conseillers techniques sportifs susceptibles de bénéficier de l'indemnité spéciale instituée par le décret du 30 décembre 2015 susvisé est fixé comme suit : Directeur technique national , 71 ; Entraîneur national , 345 ; Conseiller technique national, 200
Cependant toutes les questions posées par la situation spécifique des conseillers techniques sportifs intervenant au sein du mouvement sportif ne sont pas pour autant résolues
En effet si la question du lien juridique unissant les conseillers techniques sportifs à leur organisme d'accueil apparaît désormais réglée par le législateur à travers l'exclusion du lien de salariat, et qu’une indemnité spéciale au profit de certains conseillers sportifs est créée, ces nouvelles dispositions législatives ne semblent pas interdire aux fédérations d’aller au-delà de cette indemnité spéciale, et de continuer de verser sur leur fonds propres, comme elles le font fréquemment, des indemnités complémentaires aux cadres techniques d'Etat mis à leur disposition, indemnités qui en pratique excèdent souvent l’indemnité spéciale visée au décret, et qui sont versées y compris au niveau régional (l’indemnité spéciale semblant être réservée au conseiller technique national).
En premier lieu il convient de rappeler historiquement que ces compléments de rémunération avaient été créés pour compenser l'engagement des cadres techniques — du fait de l'indépendance attachée à leurs missions au sein des fédérations — de s'abstenir d'entraîner des équipes au sein de clubs.
Or, d'autres professeurs de sport, continuant à exercer au sein de leur corps d'origine, ont la possibilité, sans difficulté particulière, de continuer à entraîner dans leur spécialité des équipes au sein d'associations sportives, et de percevoir à cette occasion une rémunération qui s'ajoute à leur traitement de fonctionnaires.
Ces sommes complémentaires versées par les fédérations sportives permettaient ainsi d'inciter les meilleurs techniciens et pédagogues à s'investir dans les missions de service public attachées aux fédérations (formation, détection, développement de la pratique, encadrement des sélections régionales et nationales).
En second lieu, les sommes versées compensent souvent des longues périodes de stage accomplies, y compris les week-ends et jours fériés, à l'occasion de formation de cadres ou d'encadrement de sélections lors de détections, compétitions nationales ou internationales.
Plusieurs questions restent dès lors en suspens.
En effet dès lors que la protection afférente au contrat de travail ne semble plus être possible du fait de la détermination de la loi, les fédérations sportives, Ligues ou districts pourront-ils de manière unilatérale supprimer ou réduire les indemnités versées ?
Dans ce cas les conseillers sportifs mis à disposition ne bénéficieraient plus d'aucune protection en cas de différend avec les responsables de leur organisme d'accueil.
La question est d’importance car ces compléments de rémunération constituent souvent une part importante de la rémunération des conseillers sportifs et l’une des raisons de leur engagement au sein d’une fédération sportive, alors que dans de nombreux cas d’autres structures professionnelles (clubs ou structures privées) leurs offriraient des conditions plus avantageuses.
De la même manière quel sera le traitement fiscal et social des indemnités versées, hors l’indemnité spéciale laquelle relève du traitement versé au fonctionnaire par l’Etat? Les fédérations ligues régionales ou districts doivent- ils cotiser sur les sommes versées, et si oui pour quels risques ?
A ce jour la situation observée au sein des centres de gestion est extrêmement variée, certains établissant pour ces compléments de rémunération des bulletins de paie soumis à des cotisations sociales identiques à celles des autres salariés de l’organisme d’accueil (régime général sécurité sociale), d’autres ne cotisant que pour certains risques (au regard du statut de fonctionnaires des bénéficiaires de la rémunération).
Une piste de réflexion pourrait être la situation des arbitres dont le législateur a prévu que les indemnités versées à ceux-ci par les fédérations seraient soumises à cotisations sociales sur la base du régime général de la sécurité sociale, et ce malgré le fait que les arbitres ne puisse être considérés dans l’exercice de leur activité comme liés par un lien de subordination avec les fédérations sportives (article L 311-3, 29° du Code du sport)
Département Droit du Sport
Derby Avocats
Les contrats entre agents étrangers et joueurs/clubs concernant un contrat de travail avec un employeur français au révélateur
Cette année 2015 aura été riche d’enseignements quant à la validité d’un contrat de représentation ou de mandat entre un agent sportif et un joueur (ou un club) ; notamment en ce qui concerne la négociation d’un contrat de travail avec un employeur français.
Les différentes instances sportives tentent depuis plusieurs années de réguler l’activité d’agent sportif.
La France s’est ainsi dotée d’un arsenal juridique en la matière.
Pour comprendre les différentes décisions intervenues, il faut ainsi rappeler que le code du sport impose que «l'activité consistant à mettre en rapport, la mise en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif» (L222-7 du Code du Sport).
Les ressortissants étrangers (hors Union Européenne) qui participent à la conclusion d’un tel contrat en France doivent impérativement conclurent une convention de présentation avec un agent sportif ayant une licence délivrée par une fédération délégataire (L222-16 du Code du Sport). Cette convention doit en outre être transmise à la fédération concernée.
La question qui subsistait était la sanction civile qui allait être appliquée aux contrats conclus en méconnaissance de ces dispositions.
1. Une première réponse est apportée par la Cour d’Appel de Bordeaux, statuant comme cour d’appel de renvoi, dans un arrêt du 26 mars 2015.
Elle y développe un raisonnement intéressant en fondant sa motivation sur l’article 1108 du Code Civil, qui pose les quatre conditions essentielles à la validité du contrat de mandat. (le consentement, l’objet, la cause et la capacité).
En l’espèce, le litige opposait une société d’agent et un club de football ayant conclu un contrat de mandat pour la négociation et la signature du contrat de travail d’un gardien de but.
Or, la société d’agent était une société de droit tunisien et ne disposait d’aucune licence d’agent délivrée par la FFF. La Cour d’Appel va donc décider qu’elle n’avait pas la capacité d’exercer la profession d’agent sur le territoire français, et en conséquence va prononcer la nullité du contrat.
Dans ce cas, la société d’agent a finalement obtenu gain de cause, mais seulement car le club avait expressément reconnu son intervention dans les négociations, et donc un commencement d’exécution du contrat. La Cour va ainsi juger que la nullité du contrat ne peut empêcher le paiement des prestations effectuées.
2. Au mois d’octobre un second arrêt est intervenu en la matière. Il ne prononce pas directement la nullité du contrat mais mérite cependant que l’on s’y arrête.
Les faits sont ici légèrement différents.
L’agent, demandeur, possédait une licence britannique. Le défendeur est un joueur de rugby, avec lequel il avait conclu un contrat, stipulant qu’il serait « son manager unique et exclusif dans la négociation de contrats avec les organisations professionnelles sportives basées en Europe ».
Le joueur avait finalement négocié un contrat de travail avec un club français, sans passer par son agent. Ce dernier va ainsi solliciter des dommages et intérêts correspondant à la commission qu’il aurait perçue s’il était intervenu dans la négociation.
Bien que bénéficiant d’un titre émanant d’un pays membre de l’Union Européenne, la Cour a estimé qu’il devait tout de même se mettre en conformité avec l’article L222-7 du Code du Sport pour prétendre à pouvoir négocier le contrat de travail d’un joueur avec un employeur sur le territoire français.
La Cour se fonde pour cela sur l’article L222-15 du Code du Sport qui précise que le ressortissant d’un état membre de l’Union Européenne, titulaire d’une licence d’agent sportif dans son pays (si la profession est réglementée dans ledit pays) peut exercer ses fonctions en France « dans les conditions prévues aux articles L. 222-5 à L. 222-22 », et donc a fortiori de l’article L222-7 du Code du Sport.
En conséquence, l’agent n’ayant aucune licence délivrée par une fédération française ne pouvait prétendre à négocier le contrat de travail litigieux. La Cour le déboute donc de sa demande de dommages et intérêts.
La Cour ajoute que cette règlementation de la profession d’agent sportif est d’ordre public, puisque sanctionnée pénalement (L222-20 du Code du Sport).
En conclusion, on peut remarquer au travers de ces deux arrêts, que les juges français sanctionnent sévèrement les contrats de représentation ou de mandat tentant de contourner la législation française, législation au demeurant venue encadrer une profession souvent décriée pour son manque de transparence.
Le département Droit du Sport
Derby Avocats
CA Bordeaux, 26 mars 2015, n°14/00138
CA Pau, 2 octobre 2015, n°14/00498
L’attestation « savoir-nager », nouveau préalable aux activités nautiques dans le cadre scolaire
Il existait le test anti-panique, apparaît maintenant l’attestation « savoir-nager » !
Jusqu’ici, avant d’entamer des activités nautiques dans le cadre scolaire, les enfants se soumettaient au test dit « anti-panique ». Issu notamment de la circulaire n°200-075 du 31 mai 2000, ce test avait pour vocation « d'apprécier la capacité de l'élève à se déplacer dans l'eau, sans présenter de signe de panique, sur un parcours de 20 mètres, habillé de vêtements propres (tee-shirt et, si possible, pantalon léger, de pyjama par exemple) et muni d'une brassière de sécurité conforme à la réglementation en vigueur, avec passage sous une ligne d'eau, posée et non tendue ».
Depuis le décret n°2015-847 du 9 juillet 2015, il existe désormais l’attestation « savoir-nager ». Cette attestation est délivrée par le directeur de l’école ou le principal du collège, après validation du personnel ayant encadré la formation et assurer le passage du test, à savoir :
- un professeur des écoles en collaboration avec un professionnel qualifié et agréé par le directeur académique des services de l'éducation nationale ;
- au collège, un professeur d'éducation physique et sportive
Dans ce cadre, l’enfant doit ainsi :
- à partir du bord de la piscine, entrer dans l'eau en chute arrière ;
- se déplacer sur une distance de 3,5 mètres en direction d'un obstacle ;
- franchir en immersion complète l'obstacle sur une distance de 1,5 mètre ;
- se déplacer sur le ventre sur une distance de 15 mètres ;
- au cours de ce déplacement, au signal sonore, réaliser un surplace vertical pendant 15 secondes puis reprendre le déplacement pour terminer la distance des 15 mètres ;
- faire demi-tour sans reprise d'appuis et passer d'une position ventrale à une position dorsale ;
- se déplacer sur le dos sur une distance de 15 mètres ;
- au cours de ce déplacement, au signal sonore réaliser un surplace en position horizontale dorsale pendant 15 secondes, puis reprendre le déplacement pour terminer la distance des 15 mètres ;
- se retourner sur le ventre pour franchir à nouveau l'obstacle en immersion complète ;
- se déplacer sur le ventre pour revenir au point de départ.
- savoir identifier la personne responsable de la surveillance à alerter en cas de problème ;
- connaître les règles de base liées à l'hygiène et la sécurité dans un établissement de bains ou un espace surveillé ;
- savoir identifier les environnements et les circonstances pour lesquels la maîtrise du savoir-nager est adaptée.
Cette attestation permet aux élèves de pratiquer, dans le cadre scolaire, des activités nautiques telles que le canoë-kayak, la nage en eau vive ou encore la voile, prévus aux articles A 322-42 et A 322-64 du Code du Sport.
Pour autant, il convient de noter que l’apparition de cette attestation « savoir-nager » ne rend pas obsolète le test anti-panique qui demeure en vigueur, et qui reste une alternative pour la pratique de ces activités nautiques.
Le département Droit du Sport
Derby Avocats
Source :
Décret n°2015-847 du 9 juillet 2015
Arrêté du 9 juillet 2015 NOR : MENE1514345A
Un sportif licencié pour un tweet
Le pivot nigérian de Rouen Akin Akingbala a été licencié pour faute grave par son club après avoir partagé sur son compte Twitter un message évoquant les attentats de Charlie Hebdo, a-t-on appris mercredi auprès de sources concordantes.
Pour en savoir plus, consultez cet article :
Football : affaires des matches présumés truqués
Le président du Stade Malherbe Caen est mis en examen pour corruption passive et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer selon son avocat ce jeudi dans l'enquête sur les soupçons de matches truqués en Ligue 2. Quelles conséquences pour le Stade Malherbe Caen ? Maître Samuel Chevret, avocat spécialiste du droit du sport est l'invité de France Bleu Basse-Normandie ce vendredi :