Cette année 2015 aura été riche d’enseignements quant à la validité d’un contrat de représentation ou de mandat entre un agent sportif et un joueur (ou un club) ; notamment en ce qui concerne la négociation d’un contrat de travail avec un employeur français.
Les différentes instances sportives tentent depuis plusieurs années de réguler l’activité d’agent sportif.
La France s’est ainsi dotée d’un arsenal juridique en la matière.
Pour comprendre les différentes décisions intervenues, il faut ainsi rappeler que le code du sport impose que «l’activité consistant à mettre en rapport, la mise en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif» (L222-7 du Code du Sport).
Les ressortissants étrangers (hors Union Européenne) qui participent à la conclusion d’un tel contrat en France doivent impérativement conclurent une convention de présentation avec un agent sportif ayant une licence délivrée par une fédération délégataire (L222-16 du Code du Sport). Cette convention doit en outre être transmise à la fédération concernée.
La question qui subsistait était la sanction civile qui allait être appliquée aux contrats conclus en méconnaissance de ces dispositions.
1. Une première réponse est apportée par la Cour d’Appel de Bordeaux, statuant comme cour d’appel de renvoi, dans un arrêt du 26 mars 2015.
Elle y développe un raisonnement intéressant en fondant sa motivation sur l’article 1108 du Code Civil, qui pose les quatre conditions essentielles à la validité du contrat de mandat. (le consentement, l’objet, la cause et la capacité).
En l’espèce, le litige opposait une société d’agent et un club de football ayant conclu un contrat de mandat pour la négociation et la signature du contrat de travail d’un gardien de but.
Or, la société d’agent était une société de droit tunisien et ne disposait d’aucune licence d’agent délivrée par la FFF. La Cour d’Appel va donc décider qu’elle n’avait pas la capacité d’exercer la profession d’agent sur le territoire français, et en conséquence va prononcer la nullité du contrat.
Dans ce cas, la société d’agent a finalement obtenu gain de cause, mais seulement car le club avait expressément reconnu son intervention dans les négociations, et donc un commencement d’exécution du contrat. La Cour va ainsi juger que la nullité du contrat ne peut empêcher le paiement des prestations effectuées.
2. Au mois d’octobre un second arrêt est intervenu en la matière. Il ne prononce pas directement la nullité du contrat mais mérite cependant que l’on s’y arrête.
Les faits sont ici légèrement différents.
L’agent, demandeur, possédait une licence britannique. Le défendeur est un joueur de rugby, avec lequel il avait conclu un contrat, stipulant qu’il serait « son manager unique et exclusif dans la négociation de contrats avec les organisations professionnelles sportives basées en Europe ».
Le joueur avait finalement négocié un contrat de travail avec un club français, sans passer par son agent. Ce dernier va ainsi solliciter des dommages et intérêts correspondant à la commission qu’il aurait perçue s’il était intervenu dans la négociation.
Bien que bénéficiant d’un titre émanant d’un pays membre de l’Union Européenne, la Cour a estimé qu’il devait tout de même se mettre en conformité avec l’article L222-7 du Code du Sport pour prétendre à pouvoir négocier le contrat de travail d’un joueur avec un employeur sur le territoire français.
La Cour se fonde pour cela sur l’article L222-15 du Code du Sport qui précise que le ressortissant d’un état membre de l’Union Européenne, titulaire d’une licence d’agent sportif dans son pays (si la profession est réglementée dans ledit pays) peut exercer ses fonctions en France « dans les conditions prévues aux articles L. 222-5 à L. 222-22 », et donc a fortiori de l’article L222-7 du Code du Sport.
En conséquence, l’agent n’ayant aucune licence délivrée par une fédération française ne pouvait prétendre à négocier le contrat de travail litigieux. La Cour le déboute donc de sa demande de dommages et intérêts.
La Cour ajoute que cette règlementation de la profession d’agent sportif est d’ordre public, puisque sanctionnée pénalement (L222-20 du Code du Sport).
En conclusion, on peut remarquer au travers de ces deux arrêts, que les juges français sanctionnent sévèrement les contrats de représentation ou de mandat tentant de contourner la législation française, législation au demeurant venue encadrer une profession souvent décriée pour son manque de transparence.
Le département Droit du Sport
Derby Avocats
CA Bordeaux, 26 mars 2015, n°14/00138
CA Pau, 2 octobre 2015, n°14/00498