RGPD un an après : parachèvement du cadre juridique et application dans les entreprises

L’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données le 25 mai 2018 (voir précédent article du mois de mai 2018) n’était que la ligne de départ du processus de refonte des textes français en la matière, laquelle vient de s’achever avec le Décret 2019-536 du 29 mai 2019 (1), ce qui n’a toutefois pas empêché les entreprises de commencer à adapter leurs traitements de données personnelles dans l’intervalle depuis un an déjà (2).

1. Entrée en vigueur le 1er juin 2019 du Décret 2019-536

Après la Loi 2018–493 du 20 juin 2018 et l’Ordonnance 2018–1125 du 12 décembre 2018, qui ont respectivement adapté puis « ordonné » la Loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 (voir précédent article du mois de décembre 2018), manquait encore le Décret leur permettant d’entrer en vigueur, et qui était prévu pour le 1er juin 2019 au plus tard ; c’est donc chose faite, tout juste en temps utile avec le Décret 2019-536 publié le 30 mai 2019, « pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ».

Fondamentalement ce dernier texte permet surtout à l’ensemble normatif de recevoir désormais application, ainsi que le mentionne sa notice introductive selon laquelle « le décret tire les conséquences de forme et de fond de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018. Il harmonise l'état du droit, adapte certaines règles de procédures devant la CNIL. Il précise les droits des personnes concernées. Il abroge le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ».

En amont la CNIL s’était prononcée sur le projet de ce Décret selon avis du 9 mai 2019, estimant certes les objectifs de mise en cohérence et de clarification atteints, mais émettant plusieurs observations en vue d’améliorer encore plus efficacement la sécurité juridique des usagers d’une part, et d’encadrer certaines procédures de contrôle, de mise en demeure et de sanction d’autre part ; dans un communiqué publié en aval le 3 juin 2019, la CNIL a estimé que nombre de ses observations avaient dûment été prises en compte par le Gouvernement dans le Décret finalement publié.

Si les droits et obligations en matière de protection des données personnelles doivent donc désormais être clairement appréhendés par chacun depuis l’entrée en vigueur de ce dernier Décret, en pratique les organismes traitant de telles données ont dû commencer à s’adapter de manière effective dans l’intervalle du fait notamment du caractère immédiatement applicable du Règlement européen dès le 25 mai 2018.

2. Application du RGPD : premier anniversaire le 25 mai 2019

L’importante campagne de communication qui a entouré l’entrée en vigueur du RGPD le 25 mai 2018, et parallèlement les scandales à répétition qui ont concerné des utilisations non consenties de données par certains réseaux sociaux, ont entraîné une forte prise de conscience des enjeux en la matière de part et d’autre.

Ainsi du côté des usagers, une attention plus scrupuleuse et une demande de protection plus effective a fait augmenter de 30%, entre mai 2018 et mai 2019, les plaintes adressées à la CNIL (plus de 11.900 en France, et 144.376 au niveau européen).

L’intérêt pour les professionnels d’intégrer ainsi les nouveaux dispositifs RGPD n’est donc plus purement et simplement normatif mais devient en outre un véritable outil de communication, afin de répondre positivement aux attentes des usagers en termes de respect de leurs données personnelles ; à titre d’exemple, plus de 53.000 organismes sont actuellement recensés par la CNIL comme ayant d’ores et déjà désigné un Délégué à la Protection des Données.

Cependant des progrès restent encore à faire en faveur des organismes traitant des données personnelles ; si la CNIL leur vient certes en aide en multipliant des notes « pratiques » et autres modèles accessibles sur son site Internet cnil.fr, certaines délibérations annoncées se font encore attendre, telle que la publication de la liste des traitements pour lesquels une « analyse d’impact » n’est pas requise, conformément à ce que prévoit l’article 35.5 du RGPD.

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Après une première année de mise en place normative, et une action pour l’instant plus pédagogique que répressive de la CNIL, cette dernière prévient néanmoins, notamment aux termes d’un récent communiqué du 23 mai 2019, qu’elle vérifiera désormais « pleinement le respect des nouvelles exigences » dans l’instruction des plaintes et dans ses contrôles... Mieux vaut donc être prêt, d’autant plus que la CNIL complète ce dernier communiqué en précisant qu’à défaut « elle en tirera au besoin toutes les conséquences, y compris en termes de sanction », lesquelles sont essentiellement financières.

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2019/5/29/JUSC1911425D/jo/texte

Julie GRINGORE
Juin 2019


ASSOCIATION SPORTIVE : Peut-on s’opposer au renouvellement de l’adhésion d’un membre ?

Civ.I 15 mai 2019 18-18167

Ce qu’il faut retenir

Le Président d’une association sportive ne peut, à défaut de dispositions statutaires en ce sens, s’opposer au renouvellement de l’adhésion de l’un de ses membres.

Pour aller plus loin,

Une association sportive gérant une activité de tir sportif a informé l’un de ses membres par le biais de son président, qu’après réunion de son Comité Directeur, il avait été décidé de ne pas renouveler sa licence pour les années suivantes, en raison d’un non-respect du règlement intérieur de l’association et de pratiques dangereuses.

Le membre ayant vu sa demande de renouvellement refusée, assigne l’association pour obtenir sa réintégration ainsi qu’une indemnisation.

Les juges du fond rejettent ses demandes en retenant :

  • qu’il ne s’agissait pas d’une décision d’exclusion disciplinaire, et que sauf abus de droit, l’association sportive loi 1901 était libre du choix de ses membres.
  • que les pièces versées aux débats démontraient de multiples imprudences et non-respect de la réglementation de la part de l’adhérent en cause, de sorte le refus de renouvellement pouvait être considéré comme légitime et ne caractérisant aucun abus de droit.

La Cour de cassation dans l’arrêt commenté casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 1 & 6 de la loi du 1er juillet 1901.

Elle fait droit à la première branche du moyen du pourvoi qui soutenait que les statuts de l’association ne prévoyaient comme cause de perte de la qualité de membre que : « la démission, la radiation prononcée pour non-paiement, et  l’exclusion pour motif grave par le Comité de Direction, le membre intéressé ayant été préalablement appelé à fournir ses explications ».

Ainsi, indépendamment du retrait possible de la licence délivrée par la Fédération Française de Tir à laquelle l’association était affiliée, aucune stipulation des statuts ne permettait de s’opposer au renouvellement de la licence hors les cas précisément définis, et sans provoquer des explications du membre en cause.

Etait dès lors établie une violation des dispositions de l’article 1134 du Code Civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, outre un refus d’application des articles 1 et 6 de la loi du 1er juillet 1901,  les premiers juges ne pouvant valider le refus d’adhésion : « sans constater que les statuts de l’association conféreraient au président le pouvoir de s’opposer au renouvellement de l’adhésion d’un de ses membres. »

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Les clubs sportifs, à l’exception des sociétés commerciales constituées pour la gestion des activités professionnelles, sont habituellement constituées sous forme d’association Loi 1901, et se trouvent de ce fait soumis au droit associatif.

Il arrive fréquemment que ceux-ci ne souhaitant pas se lancer dans une procédure disciplinaire d’exclusion, saisissent l’occasion du renouvellement de la licence sportive qui intervient au début de chaque saison sportive pour, en invoquant le principe de liberté d’association, refuser le renouvellement de l’adhésion d’un de leur membre.

Lorsqu’il apparaît véritablement un détournement de la procédure disciplinaire, la Cour de cassation, sous le régime de l’abus de droit, sanctionne ce type de pratique.

Mais pour autant lorsque l’adhésion est, par exemple, limitée à une année et que le renouvellement ne peut donc être tacite mais est subordonné à un accord tant de l'adhérent que de l'association en vertu de la liberté contractuelle, cette dernière peut le refuser au terme du contrat initial (Civ I, 6 mai 2010, n°09-66969).

Ainsi, et à défaut de sanction disciplinaire déguisée, les associations disposent du droit de choisir leurs membres en application du principe de liberté d’association.

Cependant l’arrêt commenté vient rappeler que l’exercice de ce droit doit impérativement s’effectuer dans le respect des dispositions statutaires.

Or, en l’espèce, les statuts encadraient précisément les cas dans lesquels la qualité de membre pouvait se perdre (démission, radiation pour non-paiement de cotisation, exclusion pour motif grave), en rappelant que le membre intéressé devait être préalablement appelé à fournir ses explications.

Dès lors dans ce cas il pouvait en être déduit qu’il n’y avait pas d’obstacle à un maintien quasi-automatique au sein de l’association sous réserve du paiement de la cotisation, et hors les cas limitativement énumérés de perte de la qualité de membre.

En pratique puisque les manquements aux règlements de la part du membre de l’association semblaient avérés, celle-ci aurait sans doute eu avantage à engager une procédure d’exclusion pour motif grave, ou contacter la Fédération Française de Tir pour qu’une procédure disciplinaire puisse être mise en place aboutissant à la suspension de la licence sportive.

Sur ce point l’adhésion à l’association doit être distinguée d’avec la souscription de la licence sportive auprès de la Fédération concernée.

La fédération sportive peut en effet suspendre la licence sportive suite à une procédure disciplinaire, sans que cela n’entraine de facto la perte de la qualité de membre du club sportif.

En revanche la suspension disciplinaire décidée par la Fédération pourra venir étayer une éventuelle procédure d’exclusion de l’association, ou de non renouvellement fondée sur motif grave.

Reste que le temps des procédures disciplinaires fédérales et des contentieux subséquents, n’est pas toujours celui de la vie associative.

Dès lors, et même si cet aspect n’est sans doute pas la priorité des dirigeants d’association sportive, il convient de porter une attention toute particulière à la rédaction des statuts de l’association, et aux conditions dans lesquelles la qualité de membre se perd.

Notamment il peut apparaître sage de prévoir comme hypothèse de perte de qualité de membre, le non-renouvellement de l’adhésion en précisant l’instance susceptible de prendre une telle décision ;  ou plus simplement que l’adhésion n’est qu’annuelle, ce qui laisse la possibilité aux organes statutaires de refuser une nouvelle adhésion en application du principe de liberté d’association, et sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’une sanction disciplinaire déguisée.

A rapprocher : CA Caen 15 octobre 2011 n°08/01971

L’Équipe Droit du Sport

DERBY AVOCATS