La concurrence déloyale en l'absence de droit de propriété intellectuelle : action possible, mais difficile au stade des référés (Com. 27 sept. 2017, n° 2017-019291)
L'absence de droit de propriété intellectuelle (marque, dessin ou modèle, brevet, droits d'auteur) ne prive pas nécessairement le producteur ou distributeur d'un produit ou service de toute action à l'encontre d'un concurrent qui reprendrait de manière quasiment identique sa dénomination, sa présentation ou encore une partie de sa technique.
L'acteur du marché qui s'estime ainsi indûment copié peut en effet également invoquer un grief de concurrence déloyale, mais en rapportant alors la preuve d'un risque de confusion sur le fondement de l'article 1240 (1382 ancien) du Code civil.
Pour agir rapidement en référé la difficulté est toutefois, en l'absence de droit de propriété intellectuelle, de rapporter la preuve d'un tel risque de confusion s'avérant « manifestement illicite » à ce stade, en d'autres termes sans aucune contestation sérieuse possible.
Cette difficulté pour le demandeur en la matière a encore été illustrée par un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017 (n° 2017-019291), qui estime que « le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est protégé par aucun droit privatif » n'est pas « susceptible de caractériser un trouble manifestement illicite » permettant une condamnation dès le référé.
Cela n'empêche évidemment pas le demandeur de saisir alors le juge du fond, mais dans des délais procéduraux qui pourront être de plusieurs mois, voire de plusieurs années… et non pas de seulement quelques semaines comme en référé, sur le fondement d'un titre de propriété intellectuelle notamment.
Julie Gringore
Derby Avocats dans la presse
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LISTE ELARGIE DES ACTEURS DES COMPETITIONS SPORTIVES CONCERNES PAR LES INTERDICTIONS EN MATIERE DE PARIS SPORTIFS
Dans le prolongement de la loi du 1er mars 2017 (n° 2017-261) visant à préserver l’éthique du sport, le journal officiel du 30 décembre 2017 porte publication du décret définissant la liste des acteurs des compétitions sportives concernés par les mesures d’interdiction en matière de paris sportifs.
Cette liste apparaît particulièrement large.
On rappellera brièvement que l’article L.131-16 du Code du sport prévoit que les fédérations délégataires de puissance publique édictent, dans leurs disciplines, des règles ayant pour objet d'interdire aux acteurs des compétitions sportives notamment d’engager directement, ou par personnes interposées, des paris reposant sur les compétitions auxquelles ils participent; ainsi que de communiquer à des tiers, des informations privilégiées détenues à l’occasion de leur profession ou de leur fonction et qui sont inconnues du public.
Ces dispositions législatives donnent lieu régulièrement à des sanctions de la part des instances disciplinaires des fédérations sportives, mais également par les juridictions pénales - généralement sous la qualification d’escroquerie - dont les plus célèbres et récentes concernent certains handballeurs de l’équipe de France.
Le décret récemment publié vient préciser ce qu’il faut entendre par : « acteurs des compétitions sportives » soit en pratique les personnes évoluant dans la sphère sportive qui n’ont pas le droit de s’adonner aux joies des paris sportifs dans leur discipline.
A la lecture du texte il apparaît que la liste de ces « acteurs » - qui figurera désormais à l’article D.131-36-1 du Code du sport - est extrêmement vaste.
On retrouve sans surprise dans cette liste :
- les sportifs professionnels évoluant dans les clubs susceptibles de servir de support aux paris sportifs, ainsi qu’au sein des centres de formations et associations supports.
- les personnes participant à l’encadrement sportif et médical et paramédical ;
- les salariés de ces structures
- les arbitres et juges intervenant lors de ces compétitions.
Cependant apparaissent également d’autres catégories de personnes visées par cette interdiction, et pour lesquelles une information méritera sans doute d’être effectuée tant elles peuvent s’estimer éloignées des considérations afférentes aux potentielles fraudes en matière de paris sportifs.
- Sont ainsi visées notamment, « les bénévoles et membres des associations sportives » pouvant servir de support aux paris sportifs.
On doit ainsi considérer qu’est susceptible d’être frappé par l’ interdiction de paris un dirigeant bénévole encadrant les équipes de jeunes d’une association sportive amateur support d’un club sportif professionnel ; ou encore un simple membre bénévole de ladite association chargé par exemple d’organiser l’arbre de Noël ou le tournoi de fin d’année des moins de 9 ans.
Or ces bénévoles associatifs sont souvent totalement déconnectés de la sphère professionnelle du club et des enjeux afférents.
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- Sont également visés par l’interdiction : « les membres des organes des fédérations sportives et de leurs organismes déconcentrés ainsi que ceux de la Ligue professionnelle que les fédérations ont pu créer ».
La notion « d’organe » des fédérations sportives aurait sans doute méritée d’être précisée.
En effet faut-il uniquement appliquer l’interdiction afférente aux paris sportifs aux membres des organes internes des fédérations dotées de la personnalité morale, tels que les Comités départementaux ou Ligues régionales ; ou cette interdiction s’applique-t-elle également aux organes dépourvus de personnalité morale propre, et notamment aux multiples commissions (médicale, sportive, juridique, de discipline…) créées au sein des fédérations sportives ou des ligues professionnelles, dont l’ensemble des membres seraient alors concernés par l’interdiction ?
(Sur la notion « d’organe des fédérations sportives », étude Fédération sportive française, organisation interne, Dictionnaire Permanent Droit du sport n° 63 et suivants).
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- L’interdiction s’applique également aux agents sportifs licenciés ou autorisés en prestations de services, ainsi qu’aux avocats mandataires sportifs, lesquels sont donc considérés comme acteurs des compétitions sportives.
Là encore l’avenir permettra de préciser les contours de l’interdiction.
A priori l’interdiction s’applique de manière certaine aux disciplines dans lesquelles les agents sportifs ou avocats mandataires sportifs ont adressé un mandat dûment enregistré au sein des fédérations sportives.
Pour autant, doit-on considérer que l’interdiction cesse au jour de l’expiration desdits mandats ?
Ou au contraire, dans une acception large de la volonté de contrôle du législateur des agents sportifs et avocats mandataires sportifs, peut-on considérer qu’ils sont visés par l’interdiction y compris lorsqu’il n’existe pas de mandats en cours déposés au sein des fédérations, dès lors qu’ils sont susceptibles d’intervenir dans une discipline de par la détention de la licence ou la déclaration effectuée auprès de leur ordre professionnel?
Cette conception extensive interdirait par exemple aux avocats mandataires sportifs tout pari en ligne dès lors que l’avocat mandataire est susceptible (contrairement aux agents qui doivent détenir une licence par discipline) d’intervenir dans toutes les disciplines sportives et à tout moment, une fois sa déclaration effectuée auprès de son ordre professionnel.
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- De la même manière l’énumération figurant au 7° de l’article D.131-36-1 du Code du sport, est elle-aussi extrêmement large en ce qu’elle vise, notamment, « les bénévoles, personnes accrédités ou prestataires des organisateurs d’une compétition sportive servant de support à des paris ».
Ainsi pour simple exemple, le nombre de bénévoles et prestataires pouvant intervenir à l’occasion d’un tournoi de tennis de niveau international (Roland Garros), ou d’une course cycliste de même envergure (Tour de France), apparaît extrêmement important.
Aucun d’entre eux n’aurait désormais le droit de parier sur les épreuves sportives de sa discipline, puisque l’article L 131-16 du Code du sport vise, de manière volontairement large depuis la loi de 2017 l’interdiction de mises sur « l’une des compétitions de sa discipline », et non plus sur la seule compétition à laquelle l’acteur participe.
Ainsi un bénévole ayant travaillé pour le Tour de France ne pourrait plus parier sur des compétitions cyclistes, de la même manière que le prestataire traiteur de Roland Garros serait privé de paris sur le tennis.
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- Enfin, sont visés par le décret les dirigeants et salariés des organisations professionnelles représentatives des sportifs, arbitres et entraîneurs des clubs professionnels.
C'est-à-dire en pratique, les syndicats de sportifs, d’entraîneurs et de clubs professionnels ; les syndicats regroupant les personnels administratifs des clubs n’apparaissant pas, de manière curieuse, en tant qu’organisations professionnelles visées par cette énumération ; même s’il existe a priori des chartes internes au sein de ces organisations déconseillant à leur salarié la participation aux paris sportifs.
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En synthèse, le spectre des acteurs des compétitions sportives susceptibles d’être concernés par l’interdiction des paris sportifs et les procédures pouvant être engagées par les fédérations sportives est extrêmement large.
Si le souci du législateur visant à permettre de poursuivre d’éventuels fraudeurs de manière la plus efficace possible apparaît légitime, il est cependant probable que les fédérations sportives se concentreront avant tout sur les faits les plus graves et touchant les acteurs directs des compétitions ; sauf à voir leurs organes disciplinaires rapidement submergés par les cas « d’acteurs des compétitions sportives » ignorant leur propre qualité, telle qu’elle résulte du décret commenté.
Dans ce contexte, la manière dont les fédérations sportives décideront de mettre en place le traitement automatisé des données (article R 131-37 du Code du Sport) qui permet le croisement des acteurs interdits de paris avec les données détenues par l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) constitue un véritable enjeu.
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Référence : Décret 2017-1834 du 28 décembre 2017, publié au journal officiel du 30 décembre 2017
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/12/28/2017-1834/jo/texte
Département Droit du Sport
DERBY AVOCATS.